Des heurts ont opposé vendredi à Bahreïn les forces de sécurité et des centaines de manifestants descendus dans la rue pour commémorer le 3e anniversaire du mouvement de contestation revendiquant une monarchie constitutionnelle, selon des témoins qui ont fait état de blessés.

Répondant à un appel de l'opposition, conduite par le puissant mouvement chiite Al-Wefaq, les protestataires sont sortis tôt vendredi dans plusieurs villages chiites, mais aussi dans le centre de Manama, où les manifestations sont pourtant interdites par les autorités.

Bahreïn, un petit archipel du Golfe, est secoué depuis près de trois ans par un mouvement de contestation animé par les chiites, majoritaires, réclamant des réformes dans le royaume dirigé par la dynastie sunnite des Al-Khalifa.

Certains manifestants portaient des linceuls en hommage aux victimes ou avaient le visage masqué.

«À bas Hamad», le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, et «Nous ne renoncerons jamais» à une monarchie constitutionnelle, a répété la foule alors que des hélicoptères de la police survolaient les rassemblements, selon les témoins.

Les forces anti-émeutes, déployées en grand nombre autour des villages chiites, ont fait usage de gaz lacrymogènes et tiré à la chevrotine pour disperser les protestataires, faisant des blessés, ont ajouté des témoins.

Le Collectif du 14 février, un groupe radical, a appelé à une marche dans l'après-midi en direction de la place de la Perle à Manama, symbole du soulèvement et dont le monument central a été rasé par le gouvernement.

Ce collectif clandestin anime la contestation quasi-quotidienne dans les villages chiites entourant la capitale, qui s'est radicalisée avec des attaques à l'explosif ayant tué l'an dernier deux policiers.

Et ce vendredi, un attentat à l'explosif a endommagé un bus de la police dans le village chiite de Daih, a annoncé le ministère de l'Intérieur, sans faire état de victime.

Jeudi, la police était intervenue contre des manifestants qui avaient bloqué des routes à l'aide de blocs de pierre ou de troncs d'arbres dans plusieurs villages chiites.

Au total, 29 manifestants ont été arrêtés et seront traduits en justice, a annoncé le ministère de l'Intérieur, affirmant que l'appel de l'opposition jeudi à une journée de boycottage de l'administration et des commerces n'avait pas été suivi.

«Les entreprises ont plutôt fonctionné normalement. En général, les citoyens ont vaqué à leurs occupations quotidiennes» et l'administration «a fonctionné normalement», souligne le ministère dans un communiqué.

«Rétablir la primauté du droit»

La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a appelé vendredi les autorités de Bahreïn à prendre des «mesures immédiates pour rétablir la primauté du droit, à mettre un terme aux violations des droits de l'homme et à respecter leurs engagements répétés» en faveur de la démocratie.

L'impasse politique persiste dans le pays, malgré une récente initiative du prince héritier Salmane Ben Hamad Al-Khalifa pour relancer le dialogue national, qui a tourné court.

Son père, le roi Hamad, a d'ailleurs passé sous silence la commémoration de la contestation, dans un discours prononcé vendredi à l'occasion du 13e anniversaire de la mise en oeuvre de la Charte nationale.

Cette Charte était le fruit d'un processus d'ouverture politique initié par le roi Hamad et qui avait conduit en 2002 au rétablissement du Parlement élu, dissous en 1975, après des années de troubles qui avaient fait au moins 28 morts entre 1994 et 1999.

«Nous devons oeuvrer pour cristalliser dans la société les constantes» contenues dans cette Charte, a-t-il dit, tout en s'engageant à mener des réformes «selon nos circonstances, nos intérêts nationaux, notre identité et nos valeurs».

Face à la persistance de la contestation, le pouvoir a alourdi les peines pour les auteurs de violences et introduit la peine de mort ou la prison à perpétuité en cas de morts ou de blessés.

Selon la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), 89 personnes ont été tuées à Bahreïn dans le cadre du mouvement de contestation depuis février 2011.