La Cour de cassation de Bahreïn a confirmé lundi de lourdes peines contre 13 dirigeants de l'opposition au risque d'alimenter le mouvement de contestation des chiites dans le petit royaume du Golfe.

Condamnés pour complot contre le régime, les treize hommes, détenus depuis près de deux ans, ont été des meneurs du soulèvement dirigé par l'opposition chiite qui a secoué le pays en février 2011 avant d'être maté par la dynastie sunnite.

Ils n'ont désormais plus de recours juridique contre leur condamnation.

Il s'agit de sept opposants condamnés à la perpétuité, dont le militant des droits de l'homme Abdel Hadi al-Khawaja, qui a aussi la nationalité danoise et a mené au printemps une grève de la faim de 110 jours, et de six autres condamnés à des peines allant de cinq à quinze ans de prison.

Parmi ces derniers figure Ibrahim Chérif, le chef sunnite du groupe Waëd, une formation de la gauche laïque, qui avait joué un rôle de premier plan dans le mouvement de protestation et a écopé de cinq ans de prison.

«La Cour de cassation a confirmé toutes les peines», a indiqué un avocat de la défense. La séance a duré quelques minutes et les condamnés n'étaient pas présents.

La police s'était déployée en force autour du siège du tribunal, devant lequel des militants de l'opposition se sont regroupés en appelant à la libération des détenus, selon des témoins.

«Cette décision va alimenter la révolution», a réagi sur Twitter cheikh Ali Salmane, chef du puissant mouvement chiite Wefaq, estimant qu'une «réforme radicale» était nécessaire dans le pays.

Dans un communiqué, le Wefaq a qualifié le verdict de «politique» et déploré que la justice soit «utilisée par le régime pour punir les dissidents».

Aucune concession de fond

Dans le village chiite de Malkiya, des dizaines de manifestants ont défilé derrière une bannière avec les portraits des treize opposants en scandant : «Nous voulons la libération de tous les prisonniers» et «le peuple veut la chute du gouvernement».

L'opposition traditionnelle dirigée par le Wefaq réclame l'instauration d'une monarchie constitutionnelle, mais un collectif radical, le «Mouvement du 14 février», à l'origine des manifestations les plus violentes, appelle à la chute de la monarchie.

Le pouvoir n'a fait aucune concession de fond depuis l'écrasement du soulèvement, mais affirme avoir commencé à appliquer les recommandations d'une commission d'enquête indépendante sur la répression de la contestation.

Malgré cette répression meurtrière, des rassemblements se tiennent encore régulièrement dans les villages chiites autour de la capitale et donnent lieu parfois à des heurts avec les forces de sécurité.

Selon la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), 80 personnes ont trouvé la mort depuis février 2011.

En décembre, Amnistie Internationale a appelé à la libération des 13 opposants en qualifiant la décision alors à venir de la Cour de cassation de «véritable test» de la volonté des autorités de «prouver qu'elles sont engagées à respecter et à protéger les droits de l'homme».

En première instance, les treize opposants avaient été condamnés par un tribunal d'exception en juin 2011 pour complot contre le régime à des peines allant de deux ans de prison à la réclusion à perpétuité. En avril, la Cour de cassation a ordonné un nouveau procès devant une cour d'appel classique.

Mais le 4 septembre, cette cour d'appel avait confirmé la perpétuité pour les opposants, parmi lesquels Hassan Mashaimaa, dirigeant du mouvement chiite Haq, Abdelwahab Hussein, chef du mouvement islamique chiite Wafa, et un autre militant du Haq, Abdeljalil al-Singace, qui souffre d'une paralysie des jambes.

Les condamnés ont été reconnus coupables de «complot pour renverser le gouvernement» et pour certains «d'espionnage».