Des milliers de personnes ont manifesté vendredi à Amman à l'appel de l'opposition islamiste pour réclamer des réformes de fond, malgré l'annonce par le roi Abdallah II de la dissolution du Parlement et la convocation d'élections anticipées, selon des correspondants de l'AFP.    

Au moins 2000 policiers ont été déployés dans le centre de la capitale pour cette manifestation qui a eu lieu après la grande prière de la mi-journée.

Les manifestants, quelque 15 000 selon des correspondants de l'AFP, se sont rassemblés devant la mosquée Al-Husseini avec une grande banderole détaillant leurs exigences : « une loi électorale démocratique, des changements dans la Constitution, des gouvernements élus, un pouvoir judiciaire indépendant, une Cour constitutionnelle, une lutte efficace contre la corruption et une non-ingérence de la Sécurité dans la vie politique ».

« Cela fait 20 mois que nous manifestons et vous n'avez toujours pas compris nos demandes » ou « Arrêtez de nous voler », pouvait-on lire sur d'autres banderoles.

« Nous réclamons une véritable réforme constitutionnelle qui donnerait du pouvoir au peuple jordanien », a affirmé Hammam Saïd, dirigeant des Frères musulmans qui s'adressait aux manifestants. « Nous ne prendrons pas part aux élections, car nous exigeons des gouvernements parlementaires et un Parlement réel ».

Le royaume est touché depuis janvier 2011 par des manifestations, petites mais régulières, dans la foulée du Printemps arabe, appelant à des réformes politiques et économiques.

En réponse, le roi Abdallah II a annoncé la dissolution jeudi du Parlement et convoqué des élections anticipées dont il souhaite la tenue avant la fin de l'année. Mais les Frères musulmans avaient annoncé d'avance qu'ils boycotteraient un tel scrutin tant qu'il n'y aurait pas eu de réformes de fond.

« Nous voulons une révision de la Constitution avant que le peuple ne se révolte! Nous voulons une réforme du régime! »,ont scandé les manifestants.

« Évidemment, cette manifestation ne représente que les Frères musulmans », a déclaré à l'AFP le ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement Samih Maaytah.

« Les islamistes devraient vraiment réfléchir à participer aux élections et entrer au Parlement pour oeuvrer au sein de la Chambre plutôt que dans la rue en faveur des réformes », a-t-il estimé.

La police a annoncé avoir empêché un groupe de jeunes d'attaquer les manifestants, après l'arrestation de huit personnes et la saisie d'armes à feu dans des bus se dirigeant vers le centre d'Amman.

Une manifestation rivale, en soutien au roi, était aussi prévue au même endroit et à la même heure, mais elle a été reportée sine die, « pour empêcher d'éventuels troubles », avaient indiqué jeudi ses organisateurs.

La Constitution prévoit des élections tous les quatre ans, mais des élections anticipées, boycottées par les islamistes, ont été organisées en 2010 après la dissolution du Parlement.

Afin de convaincre les islamistes de participer au prochain scrutin, la loi électorale a été modifiée en juin. Mais en vain.

Abdallah II, dans une interview à l'AFP le 12 septembre, avait qualifié l'attitude des islamistes d'« énorme erreur de calcul », estimant que le scrutin était une étape « fondamentale dans le processus des réformes et la marche vers la transition ».

« Je dis donc aux Frères musulmans, vous avez le choix : soit rester dans la rue soit aider à construire la nouvelle Jordanie démocratique », avait-il ajouté.

Les islamistes accusent le système électoral de privilégier les régions rurales, considérées comme loyales au gouvernement, dont les partisans dominent le Parlement. Ils réclament un système parlementaire dans lequel le premier ministre serait élu et non plus nommé par le roi.

Quoi qu'il en soit, les Jordaniens ont jusqu'au 15 octobre pour s'inscrire sur les listes électorales. Plus de 1,85 million de personnes s'y sont déjà inscrites, sur les près de trois millions d'électeurs potentiels.