Quelques dizaines de journalistes tunisiens ont manifesté mercredi à Tunis pour dénoncer ce qu'ils estiment être une tentative du gouvernement dominé par les islamistes de contrôler la ligne éditoriale d'un groupe de presse.

Ce rassemblement organisé par des journalistes des quotidiens arabophone Essabah et francophone Le Temps s'est déroulé devant le siège du gouvernement, où les manifestants ont scandé des slogans contre le parti islamiste Ennahda.

«Ennahda veut placer les médias sous son aile», «Pour une presse libre!», «Touche pas aux médias publics», pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants.

Ces deux journaux appartenant à un groupe de presse dont l'État tunisien a pris le contrôle après la révolution de 2011 protestent depuis plusieurs jours contre la nomination à leur tête de Lotfi Touati, un ancien rédacteur en chef d'un journal concurrent et jugé trop proche d'Ennahda.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) soutient ces rédactions, relevant que de nombreux médias publics ont vu leurs directions remplacées par le gouvernement sans consultation préalable avec les journalistes et les employés.

Le SNJT a prévu une assemblée générale vendredi lors de laquelle sera évoqué un éventuel appel à une grève nationale des journalistes.

La Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'Homme (LTDH) a pour sa part exprimé son soutien aux rédactions concernées et dénoncé ces nominations sans consultation, estimant qu'il s'agissait d'une tentative de «soumettre et contrôler» les médias.

Pour l'animateur de télévision Elyes Gharbi, limogé par les autorités de la direction de la radio Shems FM en février, Ennahda cherche à placer les médias sous sa coupe.

«Nous sommes vraiment face à une stratégie de restriction des libertés, notamment de la liberté d'expression», a-t-il dit à l'AFP.

Le gouvernement tunisien est accusé depuis plusieurs semaines de s'attaquer à la presse. En juillet, l'Inric, l'instance chargée de la réforme des médias, s'est même sabordée pour dénoncer le recours par le pouvoir à des «outils de désinformation et de censure».

Autre polémique, les islamistes ont introduit un projet de loi punissant de peines de prison les «atteintes au sacré», ce qui violerait la liberté d'expression selon des organisations de défense des droits de l'Homme.