Les forces armées égyptiennes ont de nouveau affronté des manifestants vendredi au Caire, tirant des jets de canon à eau et des gaz lacrymogènes contre les protestataires qui leur lançaient des pierres en tentant de marcher vers l'édifice du ministère de la Défense.

Pour la première fois depuis le début de la transition en Égypte, les islamistes ultraconservateurs sont aux premiers rangs des affrontements de rue avec les soldats, un revirement pour ces groupes qui tentaient auparavant d'éviter toute confrontation directe avec les militaires.

Plusieurs heures après le début des troubles, le conseil militaire au pouvoir a décrété un cessez-le-feu dans la zone des affrontements. Dans une déclaration télévisée, les généraux ont promis de traduire en justice «les personnes impliquées et les instigateurs».

Selon le ministère de la Santé, au moins 373 personnes ont été blessées dans les affrontements. Plus de 170 personnes ont été arrêtées, d'après un responsable de la sécurité. Plusieurs journalistes, notamment un photographe belge, ont été blessés ou arrêtés.

Les violences se sont produites en marge d'une manifestation assise qui se déroule depuis une semaine sur une place située à quelques coins de rue du ministère de la Défense, dans le quartier Abbasiyah. Les participants au «sit-in» sont principalement des ultraconservateurs qui protestent contre la disqualification de leur candidat à l'élection présidentielle.

Mercredi, des assaillants non identifiés avaient attaqué le rassemblement, déclenchant des violences qui ont fait neuf morts. Ces violences ont accru la colère de la population contre les militaires et ont poussé d'autres groupes à descendre dans les rues.

Vendredi matin, des milliers de manifestants se sont rassemblés sur l'emblématique place Tahrir, dans le centre du Caire, pour demander aux généraux de remettre le pouvoir aux civils comme ils l'ont promis. Les manifestants s'inquiètent de possibles fraudes électorales pendant la présidentielle, qui doit commencer le 23 mai.

Puis, dans l'après-midi, certains manifestants se sont dirigés vers le ministère de la Défense, situé à plusieurs kilomètres de là.

Les affrontements ont commencé quand des manifestants ont tenté de franchir des fils barbelés qui protégeaient les soldats chargés de surveiller la rue qui mène au ministère. Dans des images diffusées à la télévision, on voit des soldats pourchasser un manifestant, le frapper avec des bâtons en métal et déchirer ses vêtements, laissant apparaître son dos sanglant. Des soldats ont été vus en train de transporter un soldat qui s'était effondré par terre, le nez en sang.

Les soldats ont fait usage de canons à eau contre les manifestants qui leur lançaient des pierres. Les manifestants ont trouvé refuge derrière des panneaux de métal pris sur un chantier de construction et ont continué de lancer des pierres. D'autres sont montés sur le toit d'une université située à proximité et ont lancé des projectiles du haut de l'édifice. Les soldats ont répliqué avec une grande quantité de gaz lacrymogènes.

Après plusieurs heures, les militaires ont donné l'assaut sur la place où se déroulait le «sit-in», brûlant les tentes et pourchassant les manifestants dans les rues.

Des chars blindés ont bouclé plusieurs rues du quartier et se sont installés sur la place auparavant occupée par les manifestants et dans la zone environnante, notamment dans une grande mosquée.

Les militaires au pouvoir ont annoncé qu'un couvre-feu de huit heures avait été décrété dans le quartier Abbasiyah à partir de 23 h vendredi soir.