De tous les soulèvements populaires du monde arabe, celui du Bahreïn, petit royaume insulaire, a reçu le moins d'attention. Les protestataires ne baissent pas les bras pour autant. Hier, plus de 100 000 personnes ont manifesté, et ce, malgré les représailles qui visent jusqu'aux médecins qui traitent les manifestants blessés. Fatima Haji, 33 ans, fait partie de ce groupe qui se bat maintenant pour obtenir justice.

«Si je ne suis pas en prison, je peux vous parler.» C'est ainsi que Fatima Haji a répondu à la demande d'entrevue de La Presse envoyée par Twitter. Condamnée en septembre dernier à cinq ans de prison, Fatima Haji, médecin spécialiste, ne sait pas ce qui l'attend.

Son procès, qui s'est déroulé devant une cour martiale, a soulevé l'opprobre international. Sous pression, le gouvernement a renvoyé sa cause devant une cour civile pour appel. Cette semaine, Mme Haji, qui est libérée sous caution, a dû se présenter en cour. Un voile léger sur la tête, elle a levé des doigts de la victoire devant les caméras.

»Maman, es-tu là?»

Hier, malgré nos appels répétés, nous n'avons jamais réussi à la joindre à Manama, la capitale du Bahreïn. Lors d'un des appels, son fils de trois ans, Yusuf, a décroché le téléphone et a demandé en arabe: «Maman, es-tu là?»

Le garçonnet a aussi posé à mille reprises la même question le jour de l'arrestation de sa mère en avril 2011. Ce soir-là, alors que son mari était au travail, un groupe d'une trentaine de policiers en civil a arrêté la rhumatologue de 33 ans, laissant son bambin sans surveillance, selon le récit de la principale intéressée.

En tout, 48 professionnels de la santé - des médecins, des infirmières et des ambulanciers - ont été arrêtés comme Mme Haji et accusés d'avoir refusé de traiter des patients sunnites ou encore d'avoir volé du sang pour simuler des blessures. Tous avaient en commun d'avoir travaillé dans le complexe médical Salmaniya, le plus grand du pays et aussi le plus proche des manifestations qui ont secoué le petit royaume pendant plus d'un mois en février et mars 2011.

D'abord en faveur de réformes démocratiques, les manifestations du Bahreïn ont rapidement pris une saveur sectaire alors que des manifestants de la majorité chiite demandaient le départ de la monarchie sunnite au pouvoir, la famille Al-Khalifa. Le roi a vite appelé en renfort des troupes d'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour mettre fin à la dissension. Dans la répression des manifestations, plus de 40 personnes ont péri.

La docteure Haji, qui était responsable d'une des unités d'urgence du centre hospitalier Salmaniya, a pu constater elle-même la nature des blessures infligées aux protestataires. «J'ai constaté le décès de quatre personnes. J'ai vu beaucoup de blessures par balle, principalement à la tête, aux yeux, au thorax», raconte-t-elle sur un site web dédié à sa cause et à celle de ses collègues qui ont reçu des peines d'emprisonnement de 5 à 15 ans.

Sur le même site, Mme Haji explique qu'en interrogatoire, on lui a demandé d'affirmer qu'il n'y avait eu aucune mort lors des manifestations. Et on lui a ordonné de ne pas parler aux médias étrangers. Deux ordres qu'elle n'a pas respectés, même après sa condamnation.

Dans le récit de ses mésaventures, elle affirme avoir été victime de harcèlement sexuel, de traitements brutaux et de chantage lors de son emprisonnement de quelque trois semaines. «[Les interrogateurs] me demandaient la taille de ma petite culotte et de ma brassière. L'un d'eux insistait et parce que je ne répondais pas, il me frappait à la tête», raconte Fatima Haji.

L'organisation Human Rights Watch, qui suit l'affaire depuis le début, estime que le procès intenté à Mme Haji et ses collègues est dépourvu de justice. «Il est difficile de voir comment se passera l'appel, mais le gouvernement devrait considérer la possibilité d'abandonner les accusations», estimait cette semaine Mariwan Hama-Saeed, de Human Rights Watch.

Avec l'AP et Reuters

Les forces syriennes ont lancé plusieurs assauts hier contre des régions rebelles tuant près de 50 civils en majorité à Idleb, à la veille de la première mission à Damas de l'émissaire international Kofi Annan, selon des militants. Alors que la répression ne montrait aucun signe de répit un an après le début de la révolte populaire contre le régime de Bachar al-Assad, l'opposition syrienne a annoncé la défection d'une dizaine d'officiers de l'armée, dont six généraux et quatre colonels, tout en minimisant sa portée. M. Assad peut néanmoins toujours compter sur l'appui de son allié russe, qui s'est opposé à un nouveau projet de résolution à l'ONU, avant une réunion hier soir, au Caire, du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avec M. Annan, puis aujourd'hui avec ses homologues arabes critiques de l'attitude russe. Mettant à profit l'incapacité de la communauté internationale à parler d'une seule voix sur la Syrie, le régime Assad a envoyé ses forces mater les hauts lieux de la contestation, notamment à Idleb, Homs et Hama, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. Dans l'offensive la plus sanglante, 24 civils ont péri à Idleb, dont au moins 13 dans la localité d'Aïn Larose, a précisé l'ONG. D'autres villages ont également été attaqués.