La tension était vive lundi à Bahreïn où des manifestations émaillées de violences se sont intensifiées à la veille de l'anniversaire du soulèvement mené par des chiites contre la monarchie.

En début de soirée, les forces de sécurité ont tiré gaz lacrymogène et bombes assourdissantes pour disperser des milliers de personnes qui tentaient de marcher sur la place de la Perle à Manama, haut lieu symbolique de la contestation, selon des témoins.

Le ministère de l'Intérieur a indiqué que ses agents répliquaient à des manifestants qui les attaquaient à coups de cocktails Molotov et de pierres, ajoutant qu'une manifestation autorisée du Wefaq, principal groupe de l'opposition chiite, avait «perdu son caractère pacifique».

Le chef de la sécurité générale, le général Tarek al-Hassan, a mis en garde contre «les appels provocateurs sur les réseaux sociaux à des manifestations ou des activités illégales».

Dans un communiqué conjoint, des groupes de l'opposition ont dénoncé la réaction «hystérique» de la police, l'accusant d'avoir attaqué des femmes, des enfants et des dignitaires religieux «violemment battus».

Dès la nuit et l'aube lundi, des affrontements avaient opposé police et manifestants dans les banlieues chiites de Manama, ont rapporté des témoins.

Plusieurs personnes ont été blessées mais ont préféré ne pas se rendre dans les hôpitaux gouvernementaux de peur d'être arrêtées, a précisé l'un d'eux.

Les protestataires réclamaient une monarchie constitutionnelle et la poursuite d'une résistance «pacifique» à la répression policière.

Mais certains protestataires appellaient aussi au renversement du roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, en scandant «À bas Hamad» ou «Le peuple veut la chute du régime», selon des vidéos mises en ligne sur des sites de l'opposition.

Pour leur part, les «Partisans de la révolte du 14 février à Bahreïn», qui ont appelé à marcher sur la place de la Perle, ont affirmé dans un communiqué qu'il n'y aurait «pas de dialogue jusqu'à la chute du régime».

Des milliers de personnes ont participé dimanche soir à un rassemblement au cours duquel le chef du Wefaq,  cheikh Ali Salmane, a dénoncé «la dictature» des Al-Khalifa, la dynastie sunnite au pouvoir, et appelé à «un régime démocratique».

Il a ajouté qu'une reprise du dialogue avec le régime, rompu en juillet, devrait désormais se faire d'égal à égal. «Il n'y aura point de dialogue entre esclaves et maître», a-t-il dit sous les applaudissements.

De son côté, le roi Hamad a déploré «l'absence d'opposition unifiée» avec laquelle dialoguer, dans un entretien au quotidien allemand Der Spiegel, dont des extraits ont été publiés lundi par l'agence officielle Bna.

Il a en outre de nouveau accusé «certaines parties» en Iran de vouloir «porter atteinte à la sécurité et à la stabilité» de Bahreïn, justifiant ainsi le recours aux troupes du Golfe, notamment saoudiennes, qui sont intervenues en mars pour prêter main forte à la dynastie.

De son côté, la chef de la diplomatie européenne a appelé «toutes les parties à Bahreïn au calme et à la retenue, notamment durant les manifestations prévues» mardi, assurant croire qu'elles se «dérouleront pacifiquement».

Catherine Ashton a en outre jugé «indispensable» que les recommandations de la commission d'enquête indépendante sur la répression de la contestation soient appliquées.

Mais Amnesty International a estimé que «Bahreïn est encore loin d'opérer les changements en matière de droits de l'Homme» proposés par ce comité.

La répression s'était soldée par 35 morts: 30 civils, dont cinq décédés sous la torture, et cinq membres des forces de sécurité, avait indiqué cette commission.

Amnesty a fait état «d'au moins 20 autres morts» dans les heurts qui se sont poursuivis par intermittence à Bahreïn, portant ainsi le bilan à au moins 55 personnes tuées en un an.