Le chef du pouvoir militaire égyptien a annoncé mardi la fin de la loi très décriée sur l'état d'urgence, sauf en cas de lutte contre la «violence», à la veille de la commémoration du début de la révolte qui a conduit l'an dernier à la chute de Hosni Moubarak.

Le maréchal Hussein Tantaoui a annoncé à la télévision la «fin de l'état d'urgence partout dans le pays, à l'exception des cas de lutte contre les délits violents», à partir de mercredi, jour où de nombreux mouvements appellent à relancer la contestation contre l'armée.

Le chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA), et à ce titre chef d'État de fait, n'a pas été plus précis sur ce que recouvrait exactement la lutte contre la violence.

La loi sur l'état d'urgence a été appliquée sans discontinuer depuis l'assassinat d'Anouar el-Sadate en octobre 1981, par son successeur Hosni Moubarak.

Le CSFA en avait élargi le champ d'application à l'automne dernier.

La fin de cette législation, qui permet des restrictions aux libertés publiques et des jugements devant des tribunaux d'exception, est réclamée avec insistance par de nombreux partis, par les mouvements qui ont initié la révolte de l'an dernier et par des capitales occidentales, en particulier Washington.

Une des principales organisations de défense des droits de l'Homme égyptiennes a accueilli cette levée partielle avec circonspection, en soulignant que les «violences» étaient depuis longtemps invoquées pour toutes sortes d'arrestations en dehors du cadre légal ordinaire.

«Cette définition vague va être instrumentalisée comme elle l'était du temps de Moubarak. Cela permet à la police d'arrêter et détenir quiconque est suspecté d'être violent», a déclaré à l'AFP Hossam Bahgat, de l'Initiative égyptienne pour les droits de la personne.

Les États-Unis ont estimé de leur côté que la levée partielle de l'état d'urgence en Égypte et le transfert du pouvoir de l'armée à la nouvelle Assemblée nationale représentaient «des étapes importantes sur la voie de la normalisation politique» du pays.

Soucieuse de redorer une image ternie par l'usure du pouvoir et les accusations de perpétuer l'ancien système, l'armée a annoncé de nombreuses célébrations officielles et parades militaires pour le 25 janvier, décrété journée de la révolution».

Le CSFA a appelé à «préserver l'esprit du 25 janvier qui avait unifié le peuple égyptien, hommes et femmes, jeunes et vieux, musulmans et chrétiens».

Pour le 1er anniversaire de la révolte, la justice militaire a gracié 1960 prisonniers, dont le blogueur Maïkel Nabil, qui a été libéré mardi. Arrêté fin mars, le blogueur avait été condamné en avril à trois ans de prison pour avoir critiqué l'armée sur son blog avant de voir sa peine réduite à deux ans en appel le 14 décembre.

Face à l'armée, les mouvements de jeunes qui avaient initié la révolte appellent à relancer le mouvement, estimant la révolution confisquée par les militaires qui dirigent le pays depuis le départ de M. Moubarak le 11 février.

«Nous devons descendre mercredi dans les rues, non pas pour célébrer une révolution qui n'a pas réalisé ses objectifs, mais pour manifester pacifiquement notre détermination à réaliser les objectifs de la révolution», estime l'écrivain et militant prodémocratie Alaa al-Aswani dans le journal indépendant Al-Masri al-Youm.

Au coeur de leurs revendications, le départ rapide du maréchal Tantaoui et des autres généraux au pouvoir, sans attendre comme ils le promettent une élection présidentielle avant la fin juin, et sans qu'ils n'interviennent dans la rédaction de la future Constitution.

Les Frères musulmans, qui savourent un triomphe électoral impensable du temps de M. Moubarak -47% des sièges aux récentes élections législatives- ont annoncé qu'ils célèbreraient le 25 janvier, mais sans réclamer une «deuxième révolution».

«La formation du Parlement est la plus grande célébration de l'anniversaire de la révolution», affirment-ils sur leur site internet, allusion à la première session lundi de la nouvelle Assemblée, où les islamistes de toutes tendances détiennent près des trois quarts des sièges.

Les forces de sécurité quant à elles ont multiplié les mises en garde contre «toute tentative de sabotage», un avertissement à peine voilé aux militants qui veulent relancer la contestation.