L'Assemblée nationale constituante a décidé des attributions des futurs président et premier ministre qui dirigeront la Tunisie jusqu'aux prochaines élections générales, et devait achever ce week-end l'examen de la constitution provisoire pour permettre de former un exécutif.

Les 217 députés devraient conclure avant dimanche l'examen du texte de 26 articles sur l'organisation des pouvoirs publics, une constitution provisoire qui permettra le démarrage des institutions de l'État, un mois et demi après les élections du 23 octobre.

L'Assemblée annoncera officiellement l'ouverture des candidatures à la présidence dès l'adoption du texte, puis élira le président qui désignera le premier ministre. Ce dernier soumettra son équipe à l'approbation de l'Assemblée.

Le président sera «exclusivement Tunisien, de religion musulmane, descendant de parents tunisiens et âgé de 35 ans minimum». Il renoncera d'office à tout poste de responsabilité au sein de son parti et à son statut d'élu, selon l'article 8 de la loi voté vendredi soir.

Le président est choisi au vote secret à la majorité absolue (50+1) parmi des candidats qui doivent être parrainés chacun par quinze élus au moins, un deuxième tour étant prévu dans le cas où aucun n'obtiendrait la majorité.

Lors des débats souvent vifs et houleux, des élus avaient proposé en vain d'autoriser la candidature de binationaux ou d'énoncer expressément le droit de «chaque Tunisien ou Tunisienne» d'être candidat à la présidence.

Le président devrait être Moncef Marzouki, chef de file du Congrès pour la république (CPR, gauche, 29 élus) membre de la coalition majoritaire avec Ettakatol (gauche, 20 élus) et le parti islamiste Ennahda (89 élus).

L'article 10 relatif aux prérogatives du président a enflammé l'hémicycle du palais du Bardo. L'opposition a boycotté le vote, arguant que le futur président est dessaisi au profit du premier ministre, poste destiné à Hamadi Jebali, numéro deux du parti islamiste Ennahda (98 élus).

L'article stipule que le président désigne le chef du gouvernement et fixe «en concertation» avec lui la politique étrangère du pays. Il est le chef suprême des forces armées, mais ne nomme ou ne révoque les hauts officiers qu'«en concertation» avec le chef du gouvernement.

Le président dispose du droit de grâce et peut déclarer la guerre et conclure la paix après approbation des deux tiers des membres de l'Assemblée.

Une autre disposition controversée (article 7) a été amendée pour déléguer «en cas de force majeure» les pouvoirs exécutif et législatif aux trois présidents (président de l'Assemblée, chefs de l'État et du gouvernement) et non plus au seul Premier ministre.

Le cumul des mandats d'élu et de membre du gouvernement a été âprement négocié tout comme le statut du Gouverneur de la Banque centrale qui sera nommé par le chef du gouvernement, comme tous les autres hauts fonctionnaires, au lieu d'être élu comme l'a bruyamment réclamé l'opposition.

L'Assemblée devait encore adopter des dispositions «délicates» sur le pouvoir judiciaire et la motion de censure du gouvernement avant de conclure ses travaux.

Malgré la longueur des débats entamés mardi, les séances, retransmises en direct à la télévision, ont suscité un engouement sans précédent des Tunisiens, des médias et réseaux sociaux qui se délectent des polémiques et scrutent le vote, les faits et gestes des élus.

Les uns s'émerveillent d'un «exercice de la démocratie» et d'autres crient à la «tyrannie de la majorité» ou s'étonnent de voir des élus s'étaler sur des «détails» politiques, juridiques ou sémantiques alors que le pays s'enfonce dans une grave crise socio-économique.