Montréalais d'origine syrienne, Camille Otrakji se souvient de l'époque où, enfant, il partait avec sa famille chercher des domestiques «dans les montagnes.»
Situées derrière la ville côtière de Lattaquié, ces montagnes abritaient une population peu instruite, adepte d'un islam très particulier: l'alaouisme.
Considérés parfois comme des hérétiques, qui auraient peut-être même intégré à leur foi des éléments de christianisme, les alaouites sont des chiites, qui croient que la succession de Mahomet passe par son cousin et gendre Ali.
Pourtant, leurs pratiques ont très peu à voir avec l'islam des ayatollahs iraniens. Ils n'ont pas de mosquées, leurs femmes ne portent pas le voile, ils rejettent la polygamie, ils ne suivent pas la charia et tolèrent même la consommation d'alcool. Leurs rituels demeurent en partie secrets et sont transmis par initiation. Les musulmans sunnites, qui composent la majorité de la population syrienne, jugent que les alaouites ont des moeurs trop libérales.
Minoritaires, les alaouites composent 12% de la population de la Syrie. Ils ont longtemps été relégués dans un rôle subalterne. Mais ils ont pris leur revanche sur l'histoire lors du coup d'État de Hafez al-Assad, en 1966. Et ils dirigent la Syrie depuis plus de 50 ans.
Rien n'est simple en Syrie, où certains alaouites soutiennent le soulèvement, tandis que Bachar al-Assad trouve des appuis chez certains sunnites, en particulier dans la bourgeoisie. Mais les réflexes d'appartenance religieuse expliquent la loyauté d'une partie de l'armée à l'égard du régime. La Garde républicaine et la IVème division blindée, qui comptent 10 000 hommes, sont composées presque exclusivement d'alaouites.
À l'époque du régime français, dans les années 20, un plan de partition prévoyait la création d'un pays alaouite, autour de la ville de Lattaquié. Ce plan n'a jamais vu le jour, mais il semble que le régime Assad l'a ressorti des oubliettes au cours des derniers mois. Si jamais le sol devait devenir trop vacillant sous ses pieds, il pourrait tenter de créer un État autour des villes de Tartous et Lattaquié, qui restent majoritairement alaouites. La trame confessionnelle de ces villes serait déjà en voie de «purificaiton», les autorités favorisant l'exode des musulmans sunnites...
La trame syrienne
Population
22 MILLIONS
Musulmans sunnites 74%
Arabes 65%
Kurdes 5% Autres 4%
Musulmans chiites 20%
Alaouites 12%
Druzes 3%
Autres 5%