La violence sur le terrain au Yémen, avec la persistance des affrontements armés, menace l'application de l'accord sur une transition pacifique à la tête de l'État malgré quelques avancées politiques.

En vingt-quatre heures, pas moins de 20 personnes, dont une fillette, ont péri dans le bombardement d'unités de l'armée fidèles au président Ali Saleh dans des quartiers de Taëz, deuxième ville du pays, tenus par des opposants.

Les différents quartiers de la capitale Sanaa sont contrôlés par des forces rivales, dont des unités des forces de l'ordre commandées directement par des membres de la famille du président Saleh, contesté dans la rue depuis dix mois.

«Sans trêve, l'accord n'a aucun sens», reconnaît, dans une déclaration vendredi à l'AFP, le vice-ministre de l'Information Abdou Janadi, un fidèle de M. Saleh.

Et le premier ministre désigné, Mohamed Basindawa, un ténor de l'opposition, a menacé de renoncer à former un gouvernement formé d'opposants et de fidèles du régime si les bombardements de Taëz ne cessent pas.

Depuis la signature le 23 novembre par M. Saleh, après des mois d'atermoiements, d'un accord élaboré par les monarchies du Golfe, sur son départ dans trois mois, une présidentielle anticipée a été fixée au 21 février et M. Basindawa a été chargé de former un cabinet de transition.

Malgré ces avancées politiques, la formation d'une commission militaire chargée de restructurer l'armée et les services de sécurité et de collecter les armes, se fait attendre.

«Le pouvoir retarde la mise en place de cette commission voulant peut-être se venger comme à Taëz ou se dérober à l'accord» politique, a accusé le porte-parole de l'opposition, Mohamed Qahtane.

Dans cette ville du sud-ouest, les unités fidèles à M. Saleh tentent de reprendre les quartiers aux mains des hommes armés des tribus qui protègent les manifestants, dont beaucoup ne veulent pas de l'accord politique et rejettent l'immunité donnée à M. Saleh et à ses proches.

«La formation de la commission militaire est primordiale à ce stade», a plaidé M. Qahtane, refusant toute tentative du camp présidentiel d'agir militairement en dehors de cette structure.

M. Janadi a accusé pour sa part l'opposition de «privilégier à Taëz l'action militaire à l'action politique. Le camp du président n'empêche pas la formation de la commission, car M. Saleh veut la réussite du plan du Golfe».

La commission est prévue par le mécanisme d'application du plan du Golfe, rejeté par les jeunes protestataires qui continuent de manifester par dizaines de milliers.

M. Janadi a affirmé que ces manifestants sont encouragés en sous-main par l'opposition et averti que leur insistance à vouloir «faire tomber les têtes du régime ne pourrait conduire qu'à la guerre civile».

L'un des représentants des jeunes manifestants rejette en bloc ces accusations en affirmant que les protestataires «ne se retrouvent pas dans les arrangements entre le pouvoir et l'opposition», en référence au gouvernement d'entente nationale.

«Nous ne sommes pas entrés en révolte pour permettre au pouvoir et à l'opposition de se partager les postes ministériels et nous continuerons à protester jusqu'à faire chuter les têtes du régime corrompu», dit Walid Ammari.

Mais ce militant laisse clairement entendre que le mouvement des jeunes pourrait cesser si M. Saleh quitte effectivement le pouvoir et que ses proches soient écartés des services de sécurité, conditions, selon lui, à «la naissance d'un État civil et moderne».