L'armée égyptienne au pouvoir s'est excusée jeudi pour les morts survenues dans les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants qui occupent la place Tahrir au Caire depuis près d'une semaine pour réclamer le départ au plus vite du pouvoir militaire.

Le Conseil des ministres a également annoncé qu'un accord avait été conclu entre forces de l'ordre et manifestants sur un arrêt des affrontements dans le centre du Caire.

«Un accord a été conclu entre les forces de sécurité et les manifestants portant sur l'arrêt total des heurts entre les deux parties dans la rue Mohamed Mahmoud qui mène au ministère de l'Intérieur», près de l'emblématique place Tahrir, selon un communiqué officiel, permettant un retour au calme depuis l'aube après des affrontements dans la nuit.

Jeudi matin, l'armée bloquait cette rue tandis qu'un général exhortait les manifestants à reculer vers Tahrir, occupée en début d'année pendant 18 jours par les manifestants jusqu'à la démission historique de Hosni Moubarak.

Les violences semblent avoir créé un malaise même au sein des militants, beaucoup estimant que le mouvement de protestation devrait se concentrer sur la place Tahrir et ne plus provoquer la police près du ministère de l'Intérieur.

«Je soutiens les manifestations, mais je ne pense pas que les gens doivent se diriger vers le ministère, cela ne nous mènera à rien», a affirmé à l'AFP Essam Hamdani, un diplômé en affaires de 27 ans, au chômage.

Des appels étaient aussi lancés pour continuer de manifester vendredi pour obtenir le départ du pouvoir militaire et de son chef, le maréchal Hussein Tantaoui, accusés de perpétuer de fait le régime Moubarak.

L'agence de notation financière Standard & Poor's a abaissé d'un cran jeudi la note souveraine de l'Égypte, qui passe de «BB-» à «B+», et placé le pays sous perspective négative en raison du regain de cette crise.

L'agence, qui avait déjà dégradé d'un cran la dette à long terme du Caire il y a un mois, estime que le regain de violence rend plus précaire la situation politique et économique du pays.

Les violences au Caire et dans plusieurs autres villes ont fait depuis samedi au moins 38 morts, la plupart au Caire, et plus de 2000 blessées.

L'armée égyptienne a exprimé «ses regrets et présenté ses profondes excuses pour la mort en martyrs d'enfants loyaux de l'Égypte» durant ces affrontements, qui sont la plus grave crise pour le pouvoir militaire depuis qu'il a pris la direction du pays après la chute de M. Moubarak le 11 février.

Des affrontements ont été notamment signalés au cours des derniers jours dans les villes d'Alexandrie, Port-Saïd (nord), Suez, Qena (centre), Assiout et Assouan (sud), dans le delta du Nil et à Marsa Matrouh (ouest).

Une éditorialiste américano-égyptienne, Mona al-Tahawy, a indiqué avoir été arrêtée dans la nuit de mercredi à jeudi lors de sa participation aux manifestations. Son dernier commentaire sur Twitter affirmait qu'elle avait été «battue et arrêtée par le ministère de l'Intérieur».

«La place (Tahrir) en ébullition», titrait le quotidien gouvernemental Al-Akhbar, tandis qu'Al-Ahram déplorait le «nouveau bain de sang».

Les forces de l'ordre sont accusées par des militants et des médecins de viser les manifestants aux yeux avec des tirs de balles en caoutchouc. L'usage massif de gaz lacrymogènes est également mis en cause dans des décès par asphyxie. Des décès par tirs de balles réelles ont également été signalés par des médecins.

Ces violences surviennent à quelques jours du début, lundi, des premières élections législatives depuis le renversement de M. Moubarak, faisant craindre pour la sécurité des opérations de vote.

Les manifestations se poursuivent malgré la promesse du maréchal Hussein Tantaoui mardi soir d'organiser une présidentielle avant fin juin 2012, se disant aussi prêt à remettre le pouvoir immédiatement si un éventuel référendum en décidait ainsi.