La Syrie, de plus en plus isolée après l'annonce de sanctions turques à son encontre, a décidé mardi de boycotter une réunion de la Ligue arabe, qui devrait entériner sa suspension de l'organisation régionale.

Le ministère syrien des Affaires étrangères a annoncé dans la soirée que son pays ne participerait pas à la réunion de la Ligue arabe ni à la réunion arabo-turque prévues mercredi à Rabat.

«La décision de la Syrie de participer aux réunions de Rabat était due au souhait de certaines pays arabes, mais après les déclarations de responsables marocains, la Syrie a décidé qu'elle ne participera pas», selon un communiqué des Affaires étrangères cité par la télévision syrienne sans plus de précisions.

Pourtant, le régime du président Bachar al-Assad avait fait un geste en direction de la Ligue, en libérant plus d'un millier de détenus «impliqués dans les évènements en Syrie et qui n'ont pas de sang sur les mains».

Ces libérations sont intervenues suite à la décision de la Ligue, samedi, de suspendre Damas des travaux de l'organisation pour l'obliger à appliquer un plan arabe prévoyant notamment la libération des manifestants et le retrait des forces armées des villes.

La réunion de mercredi à Rabat doit entériner cette décision.

Washington a appelé la Ligue arabe à s'en saisir pour envoyer «un message énergique» au président Assad et lui faire comprendre «qu'il doit permettre la tenue d'une transition démocratique et mettre fin à la violence contre son peuple», a-t-il ajouté.

Affirmant soutenir les mesures de la Ligue arabe, la Turquie a décidé mardi d'arrêter sa coopération avec Damas dans le domaine de l'exploration de pétrole et indiqué qu'elle pourrait aussi réviser ses livraisons d'électricité.

«Les déclarations de la Turquie aujourd'hui montrent que le président Assad est isolé. Nous saluons la position de fermeté que la Turquie a prise, cela envoie un message très important au président Assad», a commenté Ben Rhodes, conseiller adjoint de sécurité nationale du président américain Barack Obama.

Le roi Abdallah II de Jordanie avait appelé lundi M. Assad à «quitter le pouvoir», devenant le premier dirigeant arabe à lancer un tel appel.

De son côté, l'Union européenne a étendu ses sanctions contre le régime syrien à 18 personnes et a décidé de geler des prêts européens. Trois généraux sont notamment visés par les sanctions, accusés d'être «responsables du recours à la violence exercée contre des manifestants sur l'ensemble du territoire syrien».

Affichant la volonté de «surmonter la crise», «sans intervention militaire extérieure», une délégation du Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition, a demandé mardi à la Russie d'être plus sévère avec le régime du président Assad, lors d'entretiens à Moscou avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, dont le pays refuse de soutenir des sanctions contre Damas.

Sur le terrain, les violences se sont poursuivies mardi, au lendemain de la mort de plus de 70 personnes - dont 27 civils, 34 soldats et 12 déserteurs - , une des journées les plus meurtrières depuis le début de la contestation le 15 mars.

Cinq militaires ont été tués dans une attaque de déserteurs à Deraa (sud) selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dans la région d'Idleb (nord-ouest), «14 soldats sont morts ou blessés» lors d'accrochages, un enfant a péri à Kafarouma, où des explosions ont été entendues et un autre civil a été tué par les forces de sécurité à Khan Cheikhoune, a ajouté l'OSDH.

A Homs, haut lieu de la contestation, «19 corps sont arrivés à l'aube à l'hôpital national», rapporte l'OSDH, craignant qu'il ne s'agisse de ceux de Syriens enlevés ces deux derniers jours par les milices du régime.

Plus au nord, un civil a été tué par les balles des forces de sécurité à Taybé, dans la région de Hama.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, a indiqué lundi que la Ligue étudiait un «mécanisme de protection des civils» en Syrie où la répression de la contestation a fait au moins 3500 morts selon l'ONU.

Le géant pétrolier français Total a indiqué mardi ne plus être payé par le gouvernement de Damas pour sa production de pétrole en Syrie, frappée depuis deux mois par des sanctions européennes et américaines.