Pendant longtemps, le régime libyen a fait régner la peur à partir d'un fastueux immeuble du centre de Tripoli qui servait aussi de résidence à l'un des fils de Mouammar Khadafi, Mouatassim.

En prenant possession du bâtiment, protégé par d'imposantes portes métalliques, les rebelles ont découvert deux combattants de Benghazi enfermés depuis deux mois.

L'un d'eux était abandonné dans une petite pièce dont l'entrée était cachée par un battant décoratif. L'autre avait été laissé dans une pièce informatique dont il a fallu fracasser la porte.

«Ce sont des frères. Ils ne savaient même pas qu'ils étaient à Tripoli et près l'un de l'autre. Ils ont été amenés là pour être interrogés avant d'être renvoyés vers la prison. Ils n'avaient pas mangé depuis trois jours», a expliqué hier un leader local du Conseil national de transition (CNT), Jamal Haziri, en faisant visiter les lieux.

Outre les luxueux quartiers privés de Mouatassim, où plusieurs photos le montrent aux côtés de son père, l'immeuble comporte un centre informatique de pointe ainsi qu'une salle de réunion qui rappelle celle du Conseil de sécurité national américain.

Dans un des bureaux de l'étage, des objets épars témoignent notamment des liens du régime avec Cuba, qui a fait envoyer gracieusement par son ambassadeur un disque de salsa. Un traité sur les «règles du pouvoir» et de la politique américaine gît par terre parmi des documents officiels.

Quelques hommes, dont Ragheb Mabrouk, un médecin, s'affairaient hier à remettre les lieux en état pour que le nouveau conseil municipal de Tripoli puisse s'y installer.

Le CNT à Tripoli

Du point de vue administratif, tout reste à faire pour les rebelles. Leur instance politique, le Conseil national de transition (CNT), a annoncé jeudi soir au cours d'une conférence de presse donnée dans un grand hôtel qu'il transportait ses opérations dans la capitale. Mais l'annonce demeure essentiellement symbolique pour l'heure.

Les bureaux du premier ministre et des principaux ministères, qui ont été abandonnés par leurs occupants lors de l'avancée des rebelles, demeurent vides. Ils étaient surveillés hier par un groupe de rebelles venus de Misrata.

Les nouveaux responsables de la ville auront fort à faire pour y ramener l'ordre. Des rebelles et des citoyens ordinaires armés jusqu'aux dents continuent de monter la garde devant une multitude de barricades improvisées un peu partout.

Les immondices s'accumulent et l'eau manque depuis cinq jours, si bien que les résidants doivent faire la queue devant les fontaines de l'ancien réseau d'eau pour remplir leurs bidons. La nourriture se fait rare, car la plupart des commerces sont fermés.

Enfin, faute d'électricité, la ville était plongée hier dans l'obscurité la plus complète. Seuls les grands hôtels alimentés par des génératrices et quelques bateaux ancrés au port, sur la mer Méditerranée, étaient éclairés.