«Kadhafi, tu vaincras!», crie un homme assis sur son taxi-moto dans une rue d'Agadez, capitale du nord du Niger: le «Guide» libyen jouit d'une immense popularité en pays touareg, avec lequel il a noué des relations anciennes, parfois contestées.

«Vive Kadhafi, longue vie au Guide!», lance Alhousseïni Rhissa, poing levé pour mimer le dirigeant libyen qui, après bientôt 42 ans de pouvoir, subit les coups de boutoir d'une rébellion appuyée par les bombardements de l'Otan.

À Agadez comme dans de lointains campements touareg, des portraits de Mouammar Kadhafi sont placardés sur les murs de maisons et aux portes de magasins, des autocollants à son effigie posés sur les véhicules.

«Si vous osez critiquer ou insulter Kadhafi, certains peuvent vous molester», explique à l'AFP un policier.

«Agadez est à 100% avec Kadhafi», confirme Ibrahim Elhadj Ama. Comme plus de 200 000 Nigériens partis en quête d'eldorado dans la Libye voisine, il a dû fuir la guerre il y a trois mois.

Récemment, une manifestation de soutien à Kadhafi a cependant été interdite par les autorités d'Agadez: le Niger du nouveau président Mahamadou Issoufou est soucieux de ne pas prendre parti et plaide sans relâche pour une solution «négociée».

«Les autorités libyennes nous délivraient automatiquement des permis de travail pendant que les autres Africains de l'Ouest sans papiers étaient persécutés», se souvient un ex-émigré, Yassine Souleymane. «Nous avons donc une dette morale envers elles».

Des prières collectives ont été organisées dans les mosquées pour «le dirigeant libyen et son peuple», raconte un imam près de la légendaire mosquée d'Agadez. «Kadhafi est dans nos coeurs», lâche-t-il, chapelet en main.

Selon Rhissa Mohamed, adjoint au maire de Dabaga, localité touareg à une cinquantaine de km d'Agadez, «beaucoup de jeunes de la région ont déjà été recrutés pour aller combattre aux côtés de Kadhafi».

Chez certains, le conflit libyen suscite un sentiment anti-français et anti-américain.

Le président français Nicolas «Sarkozy a trahi et (son homologue américain) Barack Obama a trop déçu les Africains», lance Moussa dans sa boutique de souvenirs.

Pour le syndicaliste Moustapha Ali, «la guerre est pur complot, c'est tout juste pour s'emparer du pétrole libyen».

Décrié jusque récemment dans le pays en raison de son soutien présumé aux rébellions touareg (1991-1995 et 2007-2009), Kadhafi s'est attiré avec cette crise «la sympathie de nombreux Nigériens», relève le gérant d'une station d'essence Oil-Libya.

En 2009, Kadhafi s'était déjà rabiboché avec les Nigériens après avoir obtenu un cessez-le-feu entre Niamey et les rebelles touareg, qui réclamaient les dividendes de l'exploitation de l'uranium dans la zone.

De nombreux leaders de l'ex-rébellion vivent encore en Libye.

Depuis des décennies Kadhafi s'est «érigé en défenseur des Touareg» au Mali et au Niger, note Mahadi Ngadé, enseignant dans un lycée d'Agadez.

«Les Touareg sont prêts à mourir pour lui», assure un élu local.

Lors d'une rencontre en 2005 avec des tribus touareg à Oubari (sud-ouest libyen), Mouammar Kadhafi affirmait que «la Libye est le pays des Touareg, leur base et leur soutien», et saluait dans ce peuple nomade «les lions et les aigles du désert».

En 2007, il célébra en grande pompe la fête du «mouloud» (commémorant la naissance du prophète Mahomet) à Agadez en présence de plusieurs présidents africains.

Pour relier la grande ville du nord nigérien à son pays, il finançait la «Transsaharienne», une route longue de 1.100 km. Mais le conflit a interrompu les travaux.