Les manifestants de la place Tahrir au Caire ont poursuivi leur mouvement vendredi après l'annonce d'un remaniement gouvernemental qu'ils jugent insuffisant, mais des islamistes ont aussi manifesté contre eux au nom de la «stabilité».

Plusieurs centaines de personnes étaient réunies vendredi en début d'après-midi sur ce grand carrefour du centre de la capitale égyptienne, dont une partie a passé la nuit dans un village de tentes.

«Nous espérions un gouvernement qui exprimerait nos demandes et les mettrait en oeuvre», a déclaré le cheikh Mazhar Shaheen, qui conduisait la traditionnelle prière musulmane sur la place, occupée depuis deux semaines.

«Mais pour une raison que nous ne connaissons pas, ils s'évertuent à nous imposer des membres de l'ancien régime», a-t-il regretté en s'adressant à des manifestants toutefois moins nombreux que les semaines précédentes.

Il a réitéré les demandes des manifestants: plus de justice sociale, le renvoi des ministres et hauts responsables liés au régime déchu de l'ex-président Hosni Moubarak, le jugement des policiers responsables de violences, et la fin de l'utilisation des tribunaux militaires pour juger les civils.

«Nous ne demandons pas l'impossible», a conclu le religieux.

Parallèlement, plusieurs centaines de membres de la mouvance salafiste (musulmans fondamentalistes) ont manifesté dans un autre quartier de la ville pour réclamer la «stabilité», mais aussi insister sur «l'identité islamique» de l'Égypte.

«Laissons-les à Tahrir pour que les gens les voient pour ce qu'ils sont!», a lancé un des manifestants rassemblés devant une mosquée.

«Nous sommes des musulmans, nous faisons partie de ce pays. Mais eux, qui sont-ils? Des laïques? Des communistes? Des Américains?» a scandé au micro un orateur.

Les islamistes ont aussi appelé l'armée, qui dirige le pays, «à ne pas perdre le peuple pour plaire à cette minorité», en référence aux manifestants de Tahrir.

Plusieurs mouvements islamistes, dont la puissante organisation des Frères musulmans, appellent à une manifestation vendredi prochain à Tahrir, toujours sur le thème de la «stabilité».

Initialement impliqués dans la reprise des manifestations le 8 juillet dernier pour faire pression sur le pouvoir, les Frères musulmans ont ensuite pris leurs distances par rapport à ce mouvement.

Jeudi, un nouveau gouvernement de transition a été investi, à la tête duquel Essam Charaf conserve son poste de premier ministre. Plus de la moitié des portefeuilles ministériels sont attribués à de nouveaux ministres, mais plusieurs personnalités proches du régime Moubarak conservent leur poste, comme le ministre de l'Intérieur Mansour Issaoui.

«Ce gouvernement n'exprime en aucune façon les aspirations de la révolution», a déclaré Tareq al-Khouli, un membre du Mouvement du 6 avril, un mouvement de jeunes pro-démocratie très actif sur l'internet.

Le gouvernement de M. Charaf est placé sous la tutelle du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis le départ de M. Moubarak le 11 février.

M. Moubarak quant à lui est en état d'arrestation dans un hôpital de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, où il est soigné suite à des problèmes cardiaques. Son procès doit s'ouvrir le 3 août prochain.