L'investiture d'un gouvernement égyptien remanié attendue lundi a été reportée de 24 heures, traduisant les difficiles tractations menées sous la pression de manifestants qui estiment la valse ministérielle envisagée insuffisante.

«Le gouvernement de M. Charaf prêtera serment demain (mardi) afin de permettre de finaliser les négociations», a indiqué la télévision d'État sans autre commentaire.

La prestation de serment aurait dû avoir lieu lundi après-midi devant le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA), l'instance qui dirige le pays depuis le départ de Hosni Moubarak chassé en février par un mouvement de contestation populaire.

Quatorze portefeuilles devraient changer de titulaire, tandis que treize ministres sortants pourraient rester en place, selon la presse gouvernementale qui a publié des listes provisoires.

Le remaniement du cabinet du premier ministre Essam Charaf vise à répondre aux critiques sur la lenteur des réformes depuis la chute de M. Moubarak.

Mais il a d'ores et déjà jugé insuffisant par les manifestants qui campent depuis une dizaine de jours sur l'emblématique place Tahrir au Caire, haut lieu du soulèvement contre l'ex-président.

Le maintien envisagé du ministre de la Justice, Abdel-Aziz al-Guindi, soupçonné de traîner les pieds pour faire juger les responsables de l'ancien régime, a été critiqué.

Des difficultés auraient aussi surgi quant au choix d'un successeur au secrétaire d'État aux Antiquités, Zahi Hawass, une personnalité médiatique et controversée héritée de l'ancien régime, selon des sources gouvernementales.

D'autres manifestants ont déploré que certaines personnalités pressenties pour d'autres ministères soient de parfaits inconnus. «Certains noms ne sont connus de personne», a affirmé un militant, Bola Abdu.

«Nous voulons que tout le gouvernement change», a dit Sharif Ali, un membre du groupe du «6 avril», un mouvement de jeunes égyptiens qui a participé à l'organisation de la révolte anti-Moubarak. Il a indiqué que lui et d'autres manifestants de la place Tahrir n'avaient pas l'intention de partir.

Des sit-in se sont également poursuivis dans les grandes villes que sont Alexandrie et Suez.

Les manifestants insistent pour que d'autres exigences soient remplies, comme la tenue rapide des procès des responsables de l'ancien régime et des policiers impliqués dans la mort de manifestants pendant la révolte.

Parmi les nouveaux venus dont la nomination a déjà été annoncée, le diplomate Mohammed Kamel Amr doit remplacer aux Affaires étrangères un autre diplomate de carrière, Mohammed Al-Orabi, qui avait démissionné samedi.

M. Charaf s'est aussi déjà choisi deux adjoints à la tête du gouvernement, un économiste expérimenté, Hazem Beblawi, et Ali al-Silmi, un membre influent du Wafd, un parti libéral dans l'opposition du temps du président Moubarak.

M. Beblawi cumulera ses fonctions avec celles de ministre des Finances.

Ces tensions politiques surviennent à deux semaines de l'ouverture du procès de M. Moubarak, 83 ans, reclus depuis avril dans un hôpital de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge.

Son avocat a assuré dimanche que l'ancien président était plongé dans un «coma complet», mais cette information a été démentie par l'hôpital, et le ministère de la Santé a assuré que son état était «stable».

M. Moubarak et ses deux fils, Alaa et Gamal, sont inculpés pour corruption, ainsi que pour la répression du soulèvement populaire qui a fait officiellement quelque 850 morts en janvier-février. Son procès doit s'ouvrir le 3 août.