Les rebelles libyens consolidaient jeudi leurs positions près d'Al-Assabaa, ville stratégique à 80 km au sud de Tripoli où les forces de Mouammar Kadhafi se sont retranchées la veille à l'issue d'intenses combats.

Le gros des forces des insurgés est revenu à Goualich, à 17 km au sud d'Al-Assabaa, pour sécuriser le hameau, pris il y a plus d'une semaine par la rébellion et qui a été la cible mercredi d'une contre-offensive du régime.

Les rebelles en ont conservé le contrôle à l'issue d'intenses combats qui ont fait au moins huit morts et une trentaine de blessés parmi eux.

C'est un des bilans les plus lourds depuis le début de la guerre, sans compter les autres victimes enregistrées dans les hôpitaux des localités plus proches du front, mais qui n'étaient pas joignables pour le moment.

Les insurgés, qui «viennent de toutes les villes et de tous les villages» environnants, «sont à dix-quinze kilomètres d'Al-Assabaa. Nous examinons les positions des forces de Kadhafi. Nous attaquerons après cela», a déclaré à une journaliste de l'AFP Mokhtar Lakdar, un commandant rebelle très respecté dans l'Ouest.

«La première chose à faire, c'est de préparer des plans pour sécuriser toutes les localités (aux mains des rebelles), puis pour attaquer Al-Assabaa», a-t-il ajouté.

«Hier, nous sommes arrivés à six kilomètres d'Al-Assabaa, la plupart d'entre nous sont revenus. Seuls quelques-uns sont restés», à environ dix kilomètres de cette cité, a dit de son côté à l'AFP le commandant d'un groupe d'insurgés, Abdel-Majid Salem, qui affirme que les rebelles ont gagné ces dernières 24 heures plusieurs kilomètres sur la ligne de front.

«Le dernier poste de contrôle du front a été avancé de six kilomètres sur la route vers Al-Assabaa», a-t-il déclaré.

Après avoir réinvesti Goualich mercredi, les rebelles avaient progressé d'une dizaine de kilomètres vers le nord, parvenant aux portes d'Al-Assabaa, dernière ville avant Gharyane, verrou stratégique en direction de la capitale libyenne, bastion du régime de Kadhafi.

Tripoli, où s'est rendu l'émissaire du Kremlin, Mikhaïl Marguelov, pour rencontrer des responsables du régime qui lui ont assuré avoir un plan «suicidaire» consistant à faire sauter Tripoli en cas d'attaque des forces rebelles.

«Le premier ministre libyen (Baghdadi Mahmoudi) m'a dit à Tripoli: «si les rebelles prennent la ville, nous la couvrirons de missiles et la ferons sauter»», a expliqué M. Marguelov, un arabophone qui s'est rendu en Libye le mois dernier.

L'émissaire du Kremlin met par ailleurs en doute l'hypothèse selon laquelle le régime libyen serait à court de munitions.

«Kadhafi n'a pas utilisé un seul missile sol-sol, et il en a beaucoup. Cela incite à douter qu'il manque d'armes. Théoriquement, Tripoli peut manquer de munitions pour les chars et les armes légères, mais le colonel a des missiles et des explosifs en quantité», a-t-il jugé.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a quant à elle affirmé mercredi que les jours de Mouammar Kadhafi à la tête de la Libye étaient «comptés», rappelant qu'il n'avait toujours pas rempli les exigences de la communauté internationale, à savoir retirer ses troupes et quitter le pouvoir.

«Bien que ni nous, ni la Russie, ne puissions prévoir le jour ni l'heure à laquelle Kadhafi quittera le pouvoir, nous sommes d'accord pour dire que ses jours sont comptés», a-t-elle dit au cours d'une conférence de presse commune à Washington avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Moscou, qui s'est abstenu en mars au moment du vote de la résolution des Nations unies autorisant l'intervention contre Tripoli, a décliné l'invitation à se joindre à la réunion du groupe de contact sur la Libye prévue vendredi à Istanbul.

Une quinzaine de ministres des Affaires étrangères, dont ceux des États-Unis, de France, d'Italie et du Royaume-Uni, sont attendus à cette réunion, la quatrième du genre, pour discuter d'un règlement politique en Libye et coordonner l'aide internationale à la rébellion.

Par ailleurs, les rebelles ont réfuté mercredi les accusations de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch leur attribuant des incendies, des pillages et des mauvais traitements de civils pendant leur offensive déclenchée la semaine dernière dans l'ouest.

Les maisons détruites au cours de la conquête de villages appartenaient à des proches du régime de Mouammar Kadhafi et servaient de bases militaires ou de dépôts de munitions, a déclaré mercredi la rébellion.

Sur le front oriental, au moins deux roquettes sont tombées mercredi sur Ajdabiya, une cité elle aussi stratégique, à 160 km au sud de Benghazi, la «capitale» rebelle, dans l'est, blessant quatre civils et provoquant d'importants dégâts matériels, ont déclaré des témoins.

Direction Brega

Les rebelles se préparaient jeudi à lancer une offensive sur Brega, cité pétrolière aux mains des forces gouvernementales dans l'est de la Libye, ont annoncé des insurgés à l'AFP.

Cette attaque pourrait commencer plus tard jeudi ou tôt vendredi, selon ces responsables militaires insurgés qui préfèrent taire leurs noms.

«Nous nous préparons à entrer dans Brega, l'attaque va bientôt commencer», a déclaré un responsable rebelle, ajoutant que l'offensive, prévue mercredi soir, avait été retardée.

«Nous allons commencer le mouvement dans les heures qui viennent et nous devrions bientôt être à Brega, si Dieu le veut», a dit un autre responsable.

De son côté, l'OTAN a annoncé avoir détruit mercredi six objectifs militaires des forces kadhafistes à Brega.

Site pétrolier stratégique situé au sud-est du golfe de Syrte, Brega a été repris puis perdu plusieurs fois par les forces loyales au régime de Mouammar Kadhafi.

Alors que les combats font rage sur le front ouest des montagnes berbères de Nefoussa, les affrontements dans l'est de la Libye sont plus sporadiques, les 2000 à 3000 hommes de l'armée régulière positionnés à Brega attaquant régulièrement Ajdabiya, carrefour routier à 160 km au sud de Benghazi, la «capitale» des rebelles.

«Nous nous sommes concentrés sur l'ouest du pays, mais désormais nous allons avancer», a déclaré une troisième source militaire rebelle, sous couvert d'anonymat.

La Libye est depuis cinq mois en proie à un mouvement de contestation qui s'est transformé en guerre civile, faisant des milliers de morts, dont de très nombreux civils.