Cent jours après le début des bombardements aériens de l'OTAN en Libye, le colonel Mouammar Kadhafi, son fils et son chef des services secrets ont été accusés hier de crime contre l'humanité par la Cour pénale internationale. D'emblée, le régime libyen a fait savoir qu'il ne reconnaissait pas sa juridiction.

Selon les juges, il y a des motifs raisonnables de croire que les trois hommes sont responsables, «en tant qu'auteurs indirects», de meurtres, de persécutions et de crimes contre l'humanité.

Selon la Cour pénale internationale, le colonel Kadhafi exerce un contrôle «absolu et indiscuté sur l'appareil du pouvoir libyen, dont les forces de sécurité», tandis que son fils Saïf al-Islam est «la personne la plus influente de son cercle rapproché» et premier ministre de facto.

Tout cela n'est qu'«une couverture pour l'OTAN qui a essayé et tente encore d'assassiner Kadhafi», a déclaré hier le nouveau ministre de la Justice, Mohamed al-Gamoudi.

Par voie de communiqué, Luis Moreno-Ocampo, le procureur qui a déposé la requête initiale le 16 mai, a indiqué que les arrestations des trois dirigeants constituent «la seule manière de protéger les civils en Libye».

La Cour pénale internationale ne dispose pas de police et dépend de la volonté de ses 116 pays membres pour exécuter ses mandats d'arrêt.

La nouvelle de l'inculpation des trois dirigeants libyens a été reçue avec joie dans les rues des grandes villes libyennes.

«Justice a été rendue», s'est pour sa part félicité Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), l'organe politique des rebelles libyens.

Au cours des dernières semaines, certains des 15 pays du Conseil de sécurité ont dénoncé la mort de membres de la famille Kadhafi au cours de bombardements, rappelant que l'OTAN n'avait pas le mandat de procéder à des assassinats politiques.

Hier, le président sud-africain Jacob Zuma s'est d'ailleurs dit déçu du mandat d'arrêt lancé contre les hauts dirigeants libyens. Un mandat qui survient au lendemain d'une réunion des médiateurs de l'Union africaine sur la Libye, à Pretoria. L'Afrique du Sud croyait avoir obtenu certaines concessions de Kadhafi.

À l'inverse, le Canada, la France et la Grande-Bretagne ont notamment salué l'initiative de la Cour pénale internationale.

Contrairement aux nombreux experts qui craignent que ce mandat d'arrêt n'amène Kadhafi à ne plus partir de la Libye pour éviter d'être arrêté, l'organisme Human Rights Watch croit que c'était la chose à faire.

«Avant même que la procédure de la Cour pénale internationale ne soit lancée, Mouammar Kadhafi avait déjà fait clairement comprendre qu'il opterait pour le jusqu'au-boutisme, et le serment de son fils en février, jurant de vivre et mourir en Libye, se passe de tout commentaire, a dit Richard Dicker, directeur du programme Justice internationale. Il est difficile d'imaginer qu'un dictateur qui s'est accroché au pouvoir pendant plus de 40 ans serait saisi d'effroi face à ce mandat d'arrêt.»

Human Rights Watch considère en fait que la délivrance de tels mandats d'arrêt contre de hauts dirigeants peut renforcer les efforts de paix. L'organisme en veut pour preuve l'inculpation de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, qui aurait facilité le processus de paix en Bosnie.