La possible existence d'une politique de viols en série en Libye a créé vendredi la discorde entre une experte et un enquêteur des Nations unies.

Jeudi, le président de la commission d'enquête qui a rédigé le rapport de l'ONU sur la Libye, ayant établi que le régime de Kadhafi avait commis des «crimes contre l'humanité», avait émis des doutes quant à l'existence d'une politique de viols telle que l'a récemment décrite le procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Soulignant ne pas disposer d'éléments formels prouvant ces accusations - tant du côté de Tripoli que des rebelles -, Chérif Bassiouni avait suggéré que, dans les circonstances actuelles, «la société se sent vulnérable», ce qui a créé «une gigantesque hystérie».

Des propos qui ont offusqué la représentante spéciale du chef de l'ONU chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés, Margot Wallstroem.

«Je pense que nous devrions éviter un tel langage», a-t-elle dit en conférence de presse, déplorant l'utilisation du mot «hystérie».

Elle a jugé que «pendant trop longtemps», au cours de l'histoire, «il n'a pas été jugé bon de parler des viols et de la violence sexuelle».

«C'est pourquoi il est si important de prendre» ce sujet «au sérieux», a-t-elle ajouté.

Mme Wallstroem a par ailleurs pris la défense du procureur de la CPI, l'Argentin Luis Moreno-Ocampo, qui a affirmé mercredi que les enquêteurs avaient des preuves que Mouammar Kadhafi avait ordonné des viols en série et fait distribuer pour cela des stimulants sexuels de type Viagra à ses soldats.

Ces affirmations «sont en accord» avec des informations fournies par d'autres «personnes, organisations, entités de l'ONU...», a-t-elle estimé.

L'experte onusienne a par ailleurs souligné que peu de femmes osaient dénoncer les auteurs des viols, car elles craignent pour leur sécurité.

C'est pour cette raison qu'«il est difficile de donner un chiffre», a-t-elle fait valoir, assurant que les viols «font partie de l'arsenal, de l'armement des troupes de Kadhafi».

Amnesty International, dont des membres ont séjourné dans l'est de la Libye pendant trois mois et jusqu'à fin mai, a pris connaissance d'informations qui ont circulé pendant plusieurs semaines sur des viols organisés par les forces de Kadhafi.

«Toutefois, nos propres enquêtes sur place, que ce soit dans l'est de la Libye, à Misrata ou le long de la frontière avec la Tunisie n'ont pas abouti à ce jour à des preuves formelles permettant de conclure à l'organisation de viols systématiques» précise un communiqué de l'organisation.

«Bien sûr, cela ne signifie pas que ces affirmations (de viols systématiques) soient incorrectes, mais Amnesty International n'a pas été en mesure d'obtenir des preuves concluantes de l'existence de ce type de violations et continue de ce fait à traiter ces informations avec prudence», poursuit l'organisation.

Les groupes de défense des droits de l'homme estiment pour leur part que les affirmations du procureur de la CPI doivent être «prises très au sérieux».