Face aux tergiversations des décideurs tunisiens sur la date de l'élection d'une Assemblée constituante, qui pourrait bien être reportée de juillet à octobre, les citoyens ordinaires s'impatientent et réclament une issue rapide à ce «calvaire».

La Haute instance indépendante chargée des élections a confirmé jeudi le report au 16 octobre des premières élections post-Ben Ali pour des raisons techniques, contre l'avis du gouvernement qui avait maintenu deux jours plus tôt la date initiale du 24 juillet.

Nouveau rebondissement vendredi au sommet du G8 à Deauville, où le premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi a finalement ouvert la porte à un report, en affirmant que son gouvernement l'accepterait si la commission électorale «pense que c'est nécessaire».

Le Conseil des ministres se prononcera mardi.

«Je n'y connais rien à la politique et je m'en fiche de ces réunions! Tout ce que je veux, c'est voir un gouvernement légitime en Tunisie le plus tôt possible», lance Nouri, un vendeur de légumes au marché central à Tunis.

«Ca fait cinq mois qu'on s'est débarrassé de Ben Ali et de sa bande et nous sommes pas prêts encore à attendre des mois encore pour savoir où on en est exactement», ajoute-t-il.

Le régime de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali a chuté le 14 janvier sous la pression de la rue après 23 ans de pouvoir sans partage. Depuis, aucune élection n'a eu lieu et c'est un gouvernement provisoire qui préside aux destinées du pays.

Pour Mouna, fonctionnaire, «on ne peut sortir de cette ambiguïté qu'après l'élection d'un gouvernement légitime qui pourrait imposer sa loi».

«Les choses doivent être claires le plus rapidement possible, attendre cinq mois de plus, quelles que soient les raisons, ne feront que prolonger encore une période de doute, d'insécurité et d'instabilité et Dieu sait ce qui peut se passer!», renchérit Soufiène, étudiant.

Si plusieurs partis politiques sont favorables à la date du 24 juillet, dont le parti islamiste Ennahda et le parti démocrate progressiste (PDP), au nom de la stabilité du pays, d'autres, comme le Parti communiste et ouvrier tunisien (PCOT), souhaitent avoir plus de temps pour faire campagne et mettent en garde contre une élection mal préparée.

Or pour la commission électorale tunisienne, il est tout simplement «impossible» techniquement d'organiser des élections crédibles dans huit semaines, vu l'ampleur de la tâche.

Le pays doit se doter de 1500 centres d'inscription et former 6000 agents inscripteurs, sans compter l'inscription des Tunisiens de l'étranger. Le jour de l'élection, 8000 bureaux de vote devront être prêts.

Mais ces arguments laissent certains électeurs de marbre.

«On a déjà assez de problèmes, on ne veut pas aussi devoir comprendre ces détails purement techniques. Le peuple veut les élections au 24 juillet», s'agace Samir, chauffeur de taxi.

Zohra, journaliste, se dit «compréhensive et tout à fait d'accord avec les raisons de ce report», mais elle prévient toutefois que le peuple est «impatient de sentir des changements concrets».

«Cinq mois encore! C'est un vrai calvaire pour tous les Tunisiens! Il faut trouver une solution et maintenir les élections au 24 juillet et qu'on en finisse avec cette histoire», s'énerve quant à lui Samir, réceptionniste dans un hôtel au centre de Tunis.