Les dirigeants des rebelles libyens cherchent à asseoir leur légitimité internationale en multipliant les visites à l'étranger après avoir enregistré sur le terrain des succès face aux troupes loyales au colonel Mouammar Kadhafi.

Le chef de la diplomatie de la rébellion, Mahmoud Jibril, qui se trouve pour plusieurs jours aux États-Unis, sera reçu vendredi à la Maison Blanche par le conseiller du président Barack Obama pour la sécurité nationale, Tom Donilon.

M. Jibril s'est déjà entretenu mercredi avec le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, John Kerry, qui a annoncé qu'il élaborait une loi permettant d'utiliser, au profit des rebelles, certains avoirs gelés du colonel Kadhafi.

Interrogé sur la chaîne CNN sur ce qu'il attend des entretiens de vendredi, Mahmoud Jibril a déclaré: « nous avons besoin d'être reconnus » officiellement par les États-Unis.

Plus tôt jeudi, devant le centre de réflexion Brookings, M. Jibril avait pronostiqué une chute du régime Kadhafi « dans les quelques semaines à venir » et demandé l'aide des États-Unis pour aider financièrement les insurgés.

« Nous sommes face à un problème financier très aigu (...), n'avons presque plus d'argent », avait-il expliqué.

Les États-Unis vont puiser dans les fonds libyens bloqués sur leur territoire pour « aider le peuple » libyen, a promis la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton.

De source proche de l'administration, Washington pourrait verser à court terme plus de 150 millions de dollars aux rebelles.

Pendant ce temps, le président du Conseil national de transition (CNT, organe politique de la rébellion), Moustapha Abdeljalil, se trouvait à Londres, pour une visite dont la durée n'a pas été précisée.

Après sa rencontre avec M. Abdeljalil, le Premier ministre britannique David Cameron a invité le CNT à ouvrir à Londres son premier bureau de représentation en Europe et promis plusieurs millions de livres d'équipements pour la police de Benghazi, fief de la rébellion dans l'Est libyen, ainsi que du matériel de communication.

Pour Londres, le CNT est désormais « l'interlocuteur politique légitime de la Libye », tout comme l'ont reconnu la France, l'Italie, le Qatar et la Gambie, une annonce saluée par M. Abdeljalil.

Ce dernier a par ailleurs estimé que le colonel Kadhafi était « une cible légitime » pour l'OTAN alors que des frappes de l'Alliance atlantique ont touché jeudi le vaste complexe résidentiel du dirigeant à Tripoli, faisant trois morts et 27 blessés, selon un responsable gouvernemental.

M. Abdeljalil s'était, avant Londres, rendu en France et en Italie, deux pays qui ont envoyé, à l'instar du Royaume-Uni, une poignée de conseillers militaires pour aider les rebelles.

Ces contacts tous azimuts interviennent alors que les rebelles, dopés par leur succès à l'aéroport de Misrata (ouest) sur les forces loyalistes, s'apprêtent à marcher sur Zliten, avec en ligne de mire Tripoli, à 200 km à l'ouest.

Selon Salah Badi, un responsable rebelle, les forces gouvernementales se sont regroupées à Zliten (50 km à l'ouest de Misrata) et les insurgés, qui ont déjà progressé d'environ 20 km vers Zliten, vont désormais concentrer leurs efforts sur ce front.

Français tué

À Benghazi, un Français a été tué par balle et est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi à l'hôpital, après « un contrôle de police », a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.

Quatre autres Français ont été interpellés, a-t-il dit, sans préciser l'identité et la raison de la présence de ces Français à Benghazi.

Selon des sources spécialisées dans les milieux de sécurité privée, le Français tué est un ancien militaire, fondateur et responsable d'une société de sécurité privée employant d'anciens soldats.

Âgé de 47 ans, il avait fondé en 2003 la Secopex qui se présente sur son site internet comme une « société d'appui stratégique et opérationnel », installée à Carcassonne (sud-ouest de la France).

Contactée par l'AFP, la Secopex a reconnu avoir des hommes à Benghazi mais s'est refusée à tout autre commentaire.

Le vice-ministre libyen des Affaires étrangères Khaled Kaïm a affirmé que le régime ne tenterait pas de reprendre, par la force, l'Est aux mains des forces rebelles: « Ce n'est pas la politique du gouvernement que de reconquérir les villes de l'Est », a-t-il dit à un petit groupe de journalistes, dont l'AFP.

Depuis le début de la révolte mi-février, les violences ont fait des milliers de morts selon le procureur de la CPI, et poussé près de 750.000 personnes à fuir, selon l'ONU.

Le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a affirmé jeudi qu'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre M. Kadhafi était « probable » à « la fin de ce mois », selon l'agence de presse Ansa.