Relativement prompte à sanctionner la répression du mouvement populaire en Libye, la communauté internationale a longtemps hésité et commence à peine à discuter de sanctions face au régime syrien, qui recourt également à la violence pour mater la contestation.

«Ces hésitations sur la Syrie envoient le mauvais message au régime», s'indigne Nadim Shehadi, chercheur au groupe de réflexion britannique Chatham House, pour qui le bilan de cette sanglante répression -au moins 390 morts depuis le 15 mars- s'alourdira à mesure que la communauté internationale continuera à hésiter.

Samedi encore, le chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, en condamnant les tirs mortels sur des manifestants pacifiques, assurait le régime de la disposition de l'UE à «soutenir un authentique processus de réformes en Syrie» si Damas se décidait à l'enclencher.

Il aura fallu attendre que le régime envoie des chars lundi à Deraa (sud) pour que les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France commencent à menacer Damas de sanctions.

Lundi, Washington a dit réfléchir à «des sanctions ciblées» à l'encontre de hauts responsables syriens. À Paris, le Quai d'Orsay a exigé mardi des mesures fortes» de l'ONU et de l'UE, tandis que le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a assuré travailler avec ses partenaires européens sur la «possibilité de mesures supplémentaires».

Une réunion d'urgence des ambassadeurs des 27 à Bruxelles devrait être convoquée très rapidement pour en discuter, disent des diplomates européens.

Il «ne peut y avoir deux poids, deux mesures», a jugé mardi Nicolas Sarkozy à l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre italien Silvio Berlusconi, en dressant un parallèle entre la Syrie et la Libye.

Le président français a toutefois exclu une intervention militaire en Syrie sans une résolution préalable du Conseil de Sécurité de l'ONU, «qui n'est pas facile à obtenir».

À l'ONU, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Portugal font pour le moment circuler au sein du Conseil de Sécurité un projet de condamnation de la répression qui pourrait être rendu public mardi si les 15 parviennent à un accord unanime.

Iront-ils jusqu'à des sanctions onusiennes ? Le cas de la Syrie est différent de celui de la Libye pour laquelle ses propres représentants, qui avaient fait défection, avaient demandé au Conseil de Sécurité des sanctions, relève un diplomate onusien.

En outre, au sein de cette instance, «il y a peu de chances que la Russie soit très enthousiaste pour une réaction forte contre un pays souverain», a précisé ce diplomate.

Selon Nadim Shehadi, les occidentaux sont «traumatisés par les syndromes de l'Irak et de la Libye» ce qui explique en partie leurs hésitations face à la Syrie.

Le «rôle-clé de Damas au Proche-Orient», face à Israël et au Liban notamment a aussi pesé, relève un diplomate européen. Washington en particulier aurait voulu faire de la Syrie une tête de pont pour une offensive diplomatique dans la région.

Ces dernières semaines, les Américains étaient soucieux de ne pas fournir un regain de «légitimité nationaliste» au régime syrien en donnant l'impression d'une ingérence étrangère, observe Alvaro de Vasconcelos, directeur de l'Institut d'Etudes de sécurité de l'UE.

Mais cette prudence «n'a plus de sens aujourd'hui» compte tenu de l'ampleur de la répression, note-t-il.

Des gels d'avoirs et de relations commerciales avec certains responsables syriens sont envisagés à Washington.

Les Européens, qui ont des relations beaucoup plus poussées avec Damas, doivent aller plus loin, considère M. de Vasconcelos, par exemple «en suspendant toute coopération avec la Syrie», et en lui «signifiant qu'on ne peut massacrer impunément ses citoyens».