Des rebelles libyens ont annoncé lundi avoir chassé les forces gouvernementales de Misrata, théâtre de combats sanglants depuis deux mois, tandis que l'OTAN a infligé au régime contesté un affront symbolique en détruisant le bureau de Mouammar Kadhafi à Tripoli.    

Plusieurs chefs de groupes de combattants de Misrata, grande ville côtière à 200 km à l'est de Tripoli, ont déclaré que les forces gouvernementales, durement pilonnées depuis deux jours, s'étaient retirées de la ville et se trouvaient dans ses faubourgs.

«Des affrontements ont lieu à la limite ouest de la ville, le reste est nettoyé. Il reste sans doute quelques soldats cachés dans la ville qui ont peur d'être tués, mais il n'y a plus de groupe de soldats», a précisé l'un d'eux.

Cependant, le porte-parole militaire du Conseil national de transition (CNT) de l'opposition à Benghazi (est), le colonel Ahmed Omar Bani, s'est montré nettement moins optimiste sur la situation de Misrata: «C'est un désastre là-bas, Kadhafi n'est pas en train de perdre».

«Misrata est la clé de Tripoli. Si (Kadhafi) abandonne Misrata, il va abandonner Tripoli. Il n'est pas assez fou pour faire cela», a-t-il ajouté.

Après de violents combats et bombardements qui ont fait au moins 55 morts et plus de 200 blessés samedi et dimanche, et des explosions plus fortes que d'habitude jusque dans la nuit, Misrata connaissait une nette accalmie depuis lundi matin.

Des roquettes et obus y tombaient de temps à autre, apparemment tirés au hasard au milieu des habitations, faisant au moins neuf victimes civiles, dont des femmes et des enfants en bas âge, mais selon un journaliste de l'AFP aucun bruit de combat rapproché n'était audible.

Dans une mosquée, un muezzin chantait en continu «Dieu est grand, il est mon seul guide». «Il chante depuis des heures pour apaiser les gens», a expliqué à l'AFP Seilam Naas, un habitant de 55 ans, qui a perdu deux cousins en 48 heures, l'un tué par un tireur embusqué, l'autre par une roquette.

Dans les quartiers auparavant contrôlés par les pro-Kadhafi, l'avancée des rebelles a permis de libérer des habitants enfermés chez eux parfois pendant des semaines à cause des tireurs embusqués.

Selon les États-Unis, il reste encore 2.000 étrangers en attente d'évacuation dans le port de Misrata, où les stocks alimentaires sont encore suffisants.

À Tripoli, cible depuis vendredi de raids intensifs de l'OTAN, le bureau du colonel Kadhafi, situé dans son immense résidence du secteur de Bab Al-Aziziya, a été totalement détruit par une frappe aérienne de l'OTAN avant l'aube, selon un journaliste de l'AFP.

Trois fonctionnaires ont été tués et 45 personnes blessées, dont 15 grièvement, dans le raid, a déclaré le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, lors d'une conférence de presse devant le bâtiment détruit.

En revanche, le colonel Kadhafi «va bien, il est en bonne santé et il a le moral», a-t-il assuré. Il est en «lieu sûr et il dirige la bataille».

En soirée, cinq fortes explosions ont secoué l'est de la capitale, ont indiqué des témoins sans être en mesure de préciser les cibles visées.

À Bruxelles, l'OTAN a annoncé avoir mené une frappe ciblée dans le centre de Tripoli contre «un centre de communications utilisé pour coordonner les attaques contre des civils».

L'Italie, ancienne puissance coloniale et l'un des quatre pays (avec la France, le Qatar et la Gambie) à avoir reconnu le CNT, s'est dite désormais prête à mener des «actions ciblées contre des objectifs militaires spécifiques» en Libye.

Tout à l'ouest de la Libye, les forces pro-Kadhafi ont bombardé dimanche des zones proches de Dehiba à la frontière avec la Tunisie, selon des témoins. La principale ville de cette zone de montagnes, Zenten, à 145 km au sud-ouest de Tripoli, a été la cible de tirs de roquettes qui ont fait quatre morts.

Depuis quelques semaines, les combats se sont intensifiés dans cette zone, où les loyalistes tentent de couper les communications entre les localités à majorité amazighe (berbère) qui se sont soulevées dès le début de la révolte contre le régime à la mi-février.

À Addis Abeba, l'Union africaine, qui tente de trouver une solution au conflit, a parlé de «début encourageant» après ses rencontres avec des représentants des deux camps en vue d'un cessez-le-feu. Les rebelles exigent cependant le départ de M. Kadhafi en préalable à toute solution négociée.