Le président des États-Unis Barack Obama a condamné «le recours révoltant à la violence» du régime de Bachar el-Assad, vendredi soir, après la mort de plus de 80 personnes tuées par balle en Syrie lors de la dispersion d'imposantes manifestations d'opposants par les forces de l'ordre. Des militants des droits de l'Homme ont averti samedi que le bilan risquait de s'alourdir.

Des centaines de personnes ont aussi été blessées lors de ces défilés qui ont rassemblé des dizaines de milliers de manifestants à travers le pays, après l'appel d'opposants via le réseau Facebook pour une journée du «Vendredi saint» malgré la levée la veille de l'état d'urgence en vigueur depuis près de 50 ans.

Il s'agit de l'une des plus importantes mobilisations depuis le début le 15 mars du mouvement de contestation sans précédent contre le régime du président Bachar el-Assad, arrivé au pouvoir en 2000 à la mort de son père Hafez el-Assad.

«Les États-Unis condamnent dans les termes les plus forts le recours à la force par le gouvernement syrien contre des manifestants. Ce recours révoltant à la violence pour lutter contre des manifestations doit cesser immédiatement», a déclaré M. Obama dans un communiqué.

Le président américain a par ailleurs estimé que ces violences démontraient que l'annonce par le régime de la levée de l'état d'urgence n'était pas «sérieuse», et a directement accusé le président Bachar el-Assad de chercher l'aide de Téhéran afin de perpétrer cette répression.

«Au lieu d'écouter son propre peuple, le président Assad accuse l'étranger tout en cherchant à obtenir l'aide iranienne pour réprimer les Syriens avec les mêmes tactiques brutales que celles qui sont utilisées par ses alliés iraniens», a affirmé M. Obama.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a pour sa part condamné «la violence récurrente» du gouvernement syrien «contre les manifestants pacifiques en Syrie» et a lancé un appel pour que cette violence cesse immédiatement.

Londres a jugé «inacceptable» la mort par balles des manifestants, tandis que la France a appelé les autorités syriennes à «renoncer à l'usage de la violence contre leurs citoyens» et à mettre en oeuvre les réformes. Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a également jugé «inacceptable» la répression violente et appelé à la libération de tous les prisonniers politiques.

Jeudi, outre la levée de l'état d'urgence qui interdisait les manifestations, M. Assad a approuvé l'abolition des tribunaux d'exception. Mais pour l'opposition syrienne, ces mesures sont insuffisantes.

Et malgré la levée de l'état d'urgence, la police a ouvert le feu sur la foule dans plusieurs villes du pays, selon des militants et ONG, alors qu'Amnesty International avait estimé que cette journée serait «un test de la sincérité du gouvernement dans l'application des réformes».

Des dizaines de morts

Le Comité des martyrs de la Révolution du 15 mars, un groupe de militants formé pour recenser les victimes du mouvement de contestation, a publié une liste nominative de 82 personnes tuées par les tirs des forces de sécurité, dont des enfants et personnes âgées, selon un communiqué parvenu à l'AFP.

Il a affirmé procéder à des vérifications notamment à Lattaquié, principal port syrien à 350 km au nord-ouest de Damas, où «le bilan pourrait être très élevé».

Un autre groupe de militants des droits de l'Homme fait état de 92 morts dans un communiqué publié sur l'internet.

«Les forces de sécurité ont commis au 39e jour de la révolution bénie un massacre terrifiant contre le peuple héroïque syrien qui a manifesté pacifiquement pour obtenir ses droits légitimes à la liberté et la justice», écrit le Comité des martyrs de la révolution du 15 mars, date du lancement du mouvement de contestation sans précédent contre le régime.

Il a fait état de «centaines de blessés et disparus» et accusé les autorités «de terroriser et menacer les familles des victimes et d'enlever les corps». «Des dizaines de blessés sont dans un état critique», a-t-il ajouté.

Selon ce groupe, c'est dans la localité d'Ezreh, dans la province de Deraa (au sud de Damas) où est née la contestation, que le bilan a été le plus lourd: 21 morts. Dans la province de Damas et celle voisine appelée Rif de Damas, 41 personnes ont péri dont 11 dans la localité de Maadamiya.

Un bilan lourd également à Homs, dans le centre du pays, où 16 personnes sont mortes. Trois manifestants ont aussi été tués à Hama, 210 km au nord de Damas, et un à Lattaquié où selon le groupe «le bilan des martyrs risque d'être très lourd».

La veille, le Comité syrien de défense des droits de l'Homme, installé à Londres, avait fait état de «72 morts jusque-là» et Amnesty International, citant des militants locaux, avait parlé d'au moins 75 personnes tuées sous les balles des forces de sécurité.

De son côté, l'agence officielle syrienne Sana a fait état de dix morts et une trentaine de blessés, dont des membres des forces de sécurité dans des attaques de «groupes criminels armés» à Ezreh, Homs et Damas.

Selon la version officielle syrienne, les forces de l'ordre sont intervenues avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau uniquement pour empêcher des heurts «entre certains manifestants et citoyens» et «protéger des biens privés». Le régime attribue depuis le 15 mars les violences à «des gangs criminels armés».

La journée de vendredi a été l'une des plus sanglantes depuis le début de la contestation. Le 23 mars, plus de 100 personnes avaient été tuées à Deraa par les forces de l'ordre.