Sur le terrain d'entraînement d'une base militaire qui a longtemps servi à former les soldats de Mouammar Kadhafi, une quarantaine d'hommes suivent une leçon sur les techniques de camouflage.

Leur instructeur tend deux branches de pin et explique comment s'en servir pour échapper au regard de l'ennemi. À côté du groupe de futurs combattants, un lance-roquettes désuet rappelle cruellement que nous ne sommes pas dans une académie militaire de haut niveau, mais dans un camp improvisé, destiné à combler les lacunes des rebelles qui se battent contre l'armée de Kadhafi.

«Beaucoup de jeunes sont morts au front parce qu'ils n'avaient reçu aucune formation», dit Mohamad Al-Abar, ex-instructeur de l'armée libyenne qui tente d'inculquer un minimum de notions militaires aux rebelles.

«Il faut qu'ils sachent se servir d'une arme, et qu'ils reçoivent des conseils sur la façon de faire la guerre.»

Depuis le début de la révolte libyenne, des rebelles armés de kalachnikovs et de lance-grenades se sont précipités à deux reprises à la conquête de l'ouest du pays. Chaque fois, ils ont battu en retraite dans la pagaille.

Samedi dernier, l'OTAN a bombardé une position anti-Kadhafi, tuant 13 rebelles. Les circonstances de cet incident ne sont pas claires. Mais les opposants libyens reconnaissent que l'OTAN a répliqué à des tirs.

Pour éviter la répétition de telles erreurs, les dirigeants provisoires de l'est de la Libye tentent désespérément de professionnaliser leurs combattants.

«On ne peut pas continuer comme ça, à avancer et à reculer», dit Bashir Al-Asseyba, un dissident rentré d'exil pour soutenir le soulèvement libyen.

«Nous avons un problème d'équipement, mais nous avons aussi un problème d'organisation. Les rebelles s'imaginent qu'ils vont gagner par la seule force de leur esprit.»

Pour doubler cet optimisme d'un minimum de compétence, la formation, qui se limitait initialement à trois ou quatre jours, a été prolongée. Après trois semaines d'entraînement, Abdullah Al-Majberi, 29 ans, a reçu le numéro de combattant 1171. Il a appris à démonter un fusil AK-47 et à se servir d'un lance-roquettes. L'étudiant en génie n'avait jamais touché à une arme auparavant. «Maintenant, j'attends mon tour pour aller au front.»

Dernière halte

Ils sont quelques centaines, cette semaine, à participer aux exercices quotidiens au camp d'entraînement de Benghazi, dans l'espoir d'apprendre les rudiments de l'art de la guerre.

Mais ça n'empêche pas de nombreux jeunes de monter au front avec les copains, sans aucune préparation.

À la dernière halte routière avant la ville stratégique de Brega, qui fait l'objet d'intenses combats depuis plusieurs jours, quelques gars trempent des tranches de pain dans une boîte de thon en conserve. L'un d'entre eux tient une grenade sur les genoux. Leur auto est tombée en panne et ils cherchent une voiture pour retourner au front.

Dans le groupe, il y a Mufta Igmati, étudiant en médecine de 22 ans. «C'est mon père qui m'a montré à me servir d'une kalachnikov», dit-il. Pourquoi se bat-il? «Pour la liberté.»

Son compagnon Ismael Masmari, 19 ans, étudie en économie à l'Université de Benghazi. Il a appris à manier sa kalachnikov sur le tas. Sa stratégie de combat est simple: «On voit l'ennemi, on tire...»

C'est le genre d'attitude que les forces de l'opposition libyenne veulent justement éviter. Une nouvelle politique réserve la ligne de front aux militaires professionnels, refoulant les rebelles en deuxième ligne.

Mais ce filet de protection est élastique. Tareq El-Malki, 28 ans, travaillait dans une boutique d'ordinateurs avant la révolution. Quand il a vu les premières manifestations réprimées par la force, son sang n'a fait qu'un tour.

Ses amis l'ont aidé à ramasser assez d'argent pour acheter une arme - ces jours-ci, une kalachnikov se détaille environ 3000 dollars au marché noir de Benghazi. Il a suivi une journée de formation sur les armes à feu et les premiers soins. Et il est parti au front.

Malgré son absence de formation, il a rejoint la première ligne. Et il a bien l'intention d'y retourner dans les jours qui viennent, avec un copain soldat.

«Ce n'est pas une armée de guerre, c'est une armée de jeunes. Nous devons leur apprendre à ne pas utiliser leurs munitions pour rien et à comprendre les règles de la guerre», soupire Bashir El-Asseyba.

Puis il ajoute: «Autrement, aucun pays ne va accepter de nous armer...»