Plusieurs milliers de Syriens ont manifesté vendredi en faveur de la liberté et au moins neuf personnes ont été tuées et des dizaines blessées par les forces de l'ordre, selon des militants des droits de l'homme et des témoins.

Les manifestations ont eu lieu à l'appel d'opposants déçus par l'absence d'annonce par président Bachar al-Assad de réforme démocratique majeure face à la contestation sans précédent lancée le 15 mars contre son régime.

Pour la première fois, il y a eu des défilés dans la région à majorité kurde du Nord, alors que les autorités ont annoncé leur intention d'examiner la situation de quelque 300 000 Kurdes qui se sont vus dénier la nationalité syrienne depuis un demi-siècle.

À Douma, à 15 km au nord de Damas, les manifestants qui sortaient d'une mosquée ont jeté des pierres sur les policiers qui ont riposté en tirant des balles réelles, a déclaré un témoin, joint par téléphone.

Au moins huit personnes ont été tuées, a-t-il ajouté. «Des dizaines ont été blessées ou arrêtées».

Les autorités ont accusé «une bande armée» d'avoir tiré à partir des toits des immeubles sur les manifestants et les forces de l'ordre à Douma, faisant un nombre indéterminé de morts et des dizaines de blessés parmi les civils et les policiers.

Par ailleurs, l'agence officielle Sana a fait état à Homs, à 160 au nord de Damas, d'une une autre «bande armée» qui aurait aussi tiré sur les manifestants, tuant «une fillette».

À Sanamein, près de Deraa, épicentre de la contestation à 100 km au sud de Damas, un jeune de 20 ans a été tué par des tirs des forces de l'ordre, a dit un militant des droits de l'Homme. Il faisait partie d'un groupe de manifestants venu de villages proches.

À Deraa, des fidèles se sont rassemblés devant le palais de justice aux cris de «La mort plutôt que l'humiliation». Depuis le 18 mars, la violence à Deraa a fait 30 morts selon les autorités et entre 55 et 130 selon des organisations internationales des droits de l'Homme et les militants locaux.

Selon Sana, à Deraa, un soldat a été blessé par les tirs de jeunes gens armés qui voulait lui saisir son arme.

Auparavant, l'agence officielle avait confirmé que des manifestations avaient eu lieu «près de certaines mosquées» à Deraa et à Lattaquié, où les participants ont rendu hommage aux «martyrs» et appelé «à accélérer les réformes». Selon l'agence, les forces de sécurité ne sont pas intervenues.

Pour la première fois dans le Nord à majorité kurde, plusieurs centaines de personnes ont défilé pacifiquement à Qamishli, Amouda et Hassaké, en scandant «Nous ne voulons pas seulement la nationalité mais aussi la liberté» et «Dieu, la Syrie et la liberté», selon des témoins.

À Banias, à 280 km au nord-ouest de Damas, un millier de personnes ont fait de même tandis que 18 cheikhs religieux ont, dans une pétition, appuyé «les demandes du peuple pour les réformes et la levée de l'état d'urgence».

À Damas, des centaines de fidèles ont affirmé s'être enfermés dans une mosquée alors que les forces de sécurité tentaient de forcer la porte d'entrée.

«La principale cause des manifestations d'aujourd'hui est le discours du chef de l'État, qui a douché tous nos espoirs et nos attentes», a affirmé un militant sous couvert de l'anonymat.

Dans un message vidéo sur internet, le défenseur syrien des droits de l'Homme Haytham Maleh a appelé «les Syriens à continuer à mettre la pression sur le pouvoir pour obtenir satisfaction de leurs revendications».

Mercredi, M. Assad a affirmé que son pays était confronté à une «conspiration» et n'a pas aboli l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. Des juristes ont néanmoins été chargés de rédiger d'ici au 25 avril une nouvelle législation pour remplacer cette loi d'urgence.

Un journaliste jordanien de Reuters, Suleiman al-Khalidi, disparu depuis mardi, a été libéré par les autorités, a annoncé son employeur, qui reste sans nouvelles d'un photographe Khaled al-Hariri.

D'autre part, le département d'État américain a indiqué que les autorités syriennes avaient libéré deux Américains emprisonnés à Damas ces derniers jours.