Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, de plus en plus contesté, a appelé ses opposants à quitter le pays, alors que les tractations pour son départ négocié sont dans l'impasse.

Ce défi du chef de l'État, au pouvoir depuis 32 ans, intervient alors que les tensions sécuritaires dans le pays ont été illustrées par une explosion qui a fait lundi 150 tués dans la sud dans une usine de munitions dont Al-Qaïda a pris brièvement le contrôle.

«Je dis à ceux qui demandent aux autres de partir: c'est à eux de s'en aller, c'est aux agents stipendiés de quitter le pays», a lancé à l'adresse de l'opposition M. Saleh, cité mardi par l'agence officielle SABA.

«Ceux qui veulent le pouvoir doivent se diriger vers les urnes, et si le peuple leur accorde sa confiance, nous leur remettrons le pouvoir», a-t-il ajouté, dans une nouvelle indication de son refus d'un départ anticipé.

Le chef de l'État est confronté depuis fin janvier à un mouvement de contestation populaire réclamant son départ et qui s'est accentué après la mort le 18 mars de 52 manifestants par des tirs attribués à ses partisans.

Il a perdu le soutien d'une partie de l'armée, de puissantes tribus et d'importants dignitaires religieux, mais il semble avoir été rassuré par une démonstration de force de ses partisans vendredi, qui ont organisé une contre-manifestation à Sanaa.

Lundi soir, le propre gendre du président, Yahya Mohammad Ismaïl, a rejoint les protestataires qui campent sur la Place de l'Université à Sanaa depuis le 21 février et leur a proclamé son appui.

«J'appelle les gens honnêtes à rallier le sit-in sur la Place du changement», a déclaré le commandant de bord Ismaïl, pilote privé du président, dont il a épousé l'une des filles.

Une dizaine d'officiers ont annoncé lundi soir leur ralliement aux contestataires sur la place, comme l'avait fait le 21 mars le général Ali Mohsen al-Ahmar, commandant de la région nord-est et de la première division blindée, considéré comme un rival potentiel du président.

Selon l'opposition, les discussions pour un départ négocié de M. Saleh ont échoué. «Les négociations sont interrompues depuis jeudi dernier. Le président se dérobe à tous ses engagements et il est inutile de négocier avec lui», a affirmé à l'AFP le porte-parole de l'opposition parlementaire, Mohammad al-Sabri.

L'une des formules envisagées consistait en un transfert du pouvoir à un conseil présidentiel de cinq membres, dont le puissant général Ali Mohsen al-Ahmar. Selon des sources proches de l'officier, il a rencontré lundi l'ambassadeur des États unis au Yémen, Gerald Feierstein, sans que rien n'ait filtré de leur entretien.

Le porte-parole de l'opposition a par ailleurs critiqué les propos du secrétaire américain à la Défense Robert Gates, selon lequel la chute du président Saleh ou son remplacement par un gouvernement «plus faible» poserait un «vrai problème» pour les États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda.

«En agitant le spectre d'Al-Qaïda, ces déclarations des États-Unis encouragent le régime», a affirmé M. Sabri.

«La branche la plus active et peut-être la plus agressive d'Al-Qaïda, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), agit depuis le Yémen et nous menons une coopération antiterroriste avec le président Saleh et les services de sécurité yéménites», avait affirmé dimanche M. Gates.

Les autorités yéménites ont accusé lundi Al-Qaïda d'être responsable d'une explosion dans une usine de munitions de la province d'Abyane (sud) où le réseau est bien implanté.

L'explosion a fait 150 morts et plus de 80 blessés, selon un nouveau bilan, parmi des civils qui tentaient de récupérer des armes ou des munitions.