Le président Ali Abdallah Saleh, revigoré par une mobilisation de ses partisans, reste sourd aux appels à la démission et se présente même comme le dernier rempart contre une «somalisation» du Yémen.

Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a reconnu dimanche que la chute de M. Saleh ou son remplacement par un gouvernement «plus faible» poserait un «vrai problème» pour les États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda.

«Si ce gouvernement tombe ou s'il est remplacé par un gouvernement beaucoup plus faible, alors nous ferons face à des épreuves supplémentaires au Yémen, il n'y a pas de doute. C'est un vrai problème», a affirmé M. Gates.

«La branche la plus active et peut-être la plus agressive d'Al-Qaïda, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), agit depuis le Yémen et nous menons une coopération antiterroriste avec le président Saleh et les services de sécurité yéménites», a-t-il expliqué.

Le chef de l'État yéménite, dans une longue interview à la télévision Al-Arabiya diffusée dans la nuit de samedi à dimanche, a déployé tout son talent pour convaincre qu'il restait l'homme de la situation.

«Nous leur disons: Venez, discutons ensemble d'une solution à feu doux consistant à transférer le pouvoir pacifiquement. Nous ne nous agrippons pas au pouvoir, mais on ne peut pas le donner à n'importe qui», a déclaré M. Saleh, à propos de l'opposition qui réclame son départ immédiat.

Il a affirmé sans hésitation que si l'opposition était capable de mobiliser 20.000 manifestants, il pouvait en faire descendre deux millions dans la rue.

Il a accusé les islamistes de «surfer sur le mouvement des jeunes» qui agite les pays arabes et a affirmé que son pays était «une bombe à retardement» qui risquait de basculer dans une situation «à la somalienne» si les opposants persistaient à exiger son départ.

M. Saleh s'est montré sceptique sur la capacité des opposants à gérer le pays. «Je les mets au défi (...) de trouver des solutions aux problèmes du Yémen, même si le président part dans deux heures».

«On était deux pays il y a 22 ans», le Yémen «sera partagé en trois ou quatre entités (...) et ils (les opposants) ne pourront contrôler que Sanaa et quelques provinces», a averti le chef de l'État.

M. Saleh est confronté depuis fin janvier à un mouvement de contestation populaire réclamant son départ et qui s'est accentué après la mort le 18 mars de 52 manifestants sous des tirs attribués à ses partisans.

Il a perdu le soutien d'une partie de l'armée, de puissantes tribus et d'importants dignitaires religieux.

Des contacts pour organiser une sortie de M. Saleh ont échoué, selon des sources politiques. L'une des formules envisagées consistait en un transfert du pouvoir à un conseil présidentiel de cinq membres, dont un général de premier plan qui s'est rallié à la contestation, Ali Mohsen al-Ahmar.

Celui-ci est présenté par des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks comme un proche des wahhabites, les tenants d'un islam rigoureux, et d'avoir fait fortune en s'adonnant à des trafics d'armes.

De nombreuses informations circulent au Yémen sur la perte totale du contrôle du pouvoir central sur des régions entières comme le Nord, fief de rebelles chiites, ou l'Est où s'active le réseau Al-Qaïda.

Dans une nouvelle attaque attribuée aux réseaux extrémistes, six militaires ont été tués dimanche dans la province de Marib, à l'est de Sanaa, selon des sources militaires et tribales.

De violents accrochages ont opposé dimanche l'armée à des islamistes armés qui ont pris le contrôle d'un poste de police dans la province d'Abyane (sud), un bastion d'Al-Qaïda, faisant un mort et un blessé grave.

Dans la même province, des membres présumés d'Al-Qaïda ont pillé une usine de munitions, emportant de nombreuses caisses d'armes.