Les réformes engagées par le roi et les récentes manifestations au Maroc ont créé une dynamique qui pourrait pousser le pouvoir à ouvrir davantage les vannes du changement s'il veut satisfaire les attentes croissantes de la rue, estimaient des analystes mercredi.

«On sent une impatience chez les manifestants et une volonté de faire pression pour que leurs revendications aboutissent concrètement», note Mohamed Madani, politologue à l'université de Rabat, en estimant qu'une sorte de «dynamique» s'est instaurée entre le pouvoir et la rue.

Le 9 mars, le souverain chérifien a prononcé un discours dans lequel il annonçait, à la surprise générale, une révision constitutionnelle qui sera soumise à referendum et prévoit la séparation des pouvoirs et un renforcement des pouvoirs du Premier ministre ainsi que du Parlement.

Le discours royal, salué au Maroc comme à l'étranger, est intervenu peu après des manifestations qui avaient vu des dizaines de milliers de personnes descendre dans les rues du pays le 20 février.

Répondant à un appel lancé sur Facebook par de jeunes Marocains -eux-mêmes inspirés par l'exemple des Printemps arabes-, les manifestants réclamaient plus de justice sociale et une évolution vers une monarchie parlementaire.

Une nouvelle journée de manifestations, au moins aussi importantes et pacifiques, a eu lieu dimanche dernier pour réclamer, entre autres, des mesures contre la corruption.

«Ce qu'ont montré ces dernières manifestations c'est que le discours royal n'a pas répondu aux attentes majeures du mouvement et donc celui-ci continue pour arracher le maximum de concessions», dit M. Madani, notant que la rue veut des mesures rapides.

Pour l'historien Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb, le discours du 9 mars est «une conséquence directe de l'agitation» et il «n'est pas exclu qu'il y ait d'autres annonces importantes pour essayer de dégonfler la pression».

«Il y a une sorte de course entre les manifestants qui maintiennent la pression et se sentent renforcés par ce qui se passe dans le monde arabe, et les autorités - notamment le Palais - qui essaient de ne pas être débordées», ajoute-t-il.

Les organisateurs du mouvement du 20 février entendent poursuivre leur mobilisation et débattent de la date de nouvelles manifestations.

Pendant ce temps, le processus de la réforme constitutionnelle se met en branle. Le président de la Commission de révision, le constitutionnaliste Abdeltif Menouni, nommé par le roi, doit entamer ses consultations avec les partis politiques, des syndicats et des ONG lundi. Il doit remettre le résultat de ses travaux en juin.

Pour Karim Tazi, un chef d'entreprise de Casablanca qui s'est rangé aux côtés des manifestants, au «niveau institutionnel» le roi a mis sur la table des propositions importantes qui «peuvent poser les bases d'un Maroc nouveau et démocratique».

Il déplore toutefois «le caractère timoré de la position des partis politiques», qui ont été pris au dépourvu par les manifestations aussi bien que par l'initiative royale.

Mais M. Tazi fait valoir que les manifestations sont d'abord l'expression de la condamnation d'un «échec en matière de gouvernance et de la corruption qui gangrène la vie marocaine».

Pour regagner la confiance de l'opinion et «obtenir une adhésion au processus institutionnel, il faudrait donner des signes forts à l'opinion publique», affirme-t-il, faisant allusion aux revendications de la rue réclamant le départ de proches du roi.

Signe des temps, dimanche, des pancartes et des slogans visaient personnellement deux personnalités très proches du roi, Fouad El Himma, accusé d'exercer une influence excessive dans le domaine politique, et Mohamed Mounir Majidi, secrétaire particulier du monarque, dans le domaine des affaires.