Lâché par une partie de son armée, le président du Yémen Ali Abdallah Saleh a proposé mardi de se démettre au début 2012, mais l'opposition a rejeté cette offre insistant sur son départ immédiat.

Auparavant, le président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, avait mis en garde contre les risques de guerre civile dans son pays, dont la capitale Sanaa est le théâtre depuis lundi d'un déploiement de chars d'unités militaires rivales.

Dans le sud-est du pays, dans la ville de Moukalla, un premier incident lundi soir entre des éléments de l'armée régulière et des unités de la garde présidentielle a fait deux tués, selon des témoins et des sources médicales.

Cette tension redoublée inquiète les États-Unis, a rappelé mardi le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates. Washington a vu jusqu'ici le président Saleh comme un allié dans la guerre contre le terrorisme et les affiliés d'Al Qaïda.

Des émules d'Oussama ben Laden sont actifs au Yémen et ont été impliqués dans des tentatives d'attentats contre les États-Unis en 2009 et 2010. Washington fournit une aide annuelle de 150 millions de dollars à Sanaa pour les combattre.

«L'instabilité et le détournement de l'attention vis-à-vis d'AQPA (Al-Qaïda dans la péninsule arabique) est certainement ma préoccupation première dans cette situation», a souligné M. Gates, après un déplacement à Moscou.

Pour sortir de cette crise, le chef de l'État, dont le mandat expire fin 2013, a proposé «la tenue d'élections parlementaires avant la fin 2011, suivies de l'élection par les députés d'un président début 2012», selon un haut responsable yéménite qui a requis l'anonymat.

Mais l'opposition a immédiatement rejeté cette offre: «Le peuple yéménite réclame le départ immédiat» du président, a souligné son porte-parole Mohamed al-Sabri. «Une seule chose pourra satisfaire le peuple, et c'est la démission de cet homme», a-t-il ajouté.

À Sanaa, des militaires et des fonctionnaires ont continué de se succéder devant les manifestants de la place de l'Université, épicentre de la contestation, pour annoncer leur ralliement à la «révolte des jeunes».

La contestation, lancée fin janvier, a pris de l'ampleur après la mort le 18 mars de 52 personnes dans une attaque contre des manifestants à Sanaa attribuée à des partisans du régime.

Des représentants des membres de la Ligue arabe ont condamné mardi ces «crimes contre des civils» et exhorté les autorités yéménites à répondre aux demandes de la population de «façon pacifique».

Les protestataires ont reçu lundi l'appui de chefs de l'armée, dont le général Ali Mohsen al-Ahmar, responsable du nord-est qui comprend la capitale.

Des blindés d'unités fidèles au général Ahmar ont été déployés autour de la Banque centrale, du siège du Congrès populaire général (CPG, parti présidentiel) et d'autres installations vitales à Sanaa.

Mais des chars de la garde présidentielle, dirigée par le fils du président, Ahmed Saleh, et des forces spéciales, commandées par son neveu Tarek Saleh, ont pris position autour du palais présidentiel.

A Moukalla, des heurts ont opposé lundi soir des soldats relevant du commandant du district militaire oriental, le général Mohammed Ali Mohsen, qui a rallié la contestation, à des membres de la garde présidentielle.

Un soldat de l'armée régulière et un membre de la garde présidentielle ont été tués, selon des sources médicales, et trois militaires blessés, dont un officier de l'armée régulière.

M. Saleh, 69 ans, a averti que tout complot pour précipiter son départ conduirait le Yémen, un pays pauvre de 24 millions d'habitants, à la guerre civile.

«Toute tentative de prendre le pouvoir par un coup d'État conduirait à la guerre civile», a-t-il déclaré à la télévision devant des chefs militaires, considérant que les divisions au sein de l'armée étaient «néfastes» pour le pays.