Le régime libyen a annoncé un cessez-le-feu vendredi, alors que la communauté internationale préparait des frappes aériennes contre la Libye après l'adoption par l'ONU dans la nuit d'une résolution ouvrant la voie à un recours à la force.



Le commandant des rebelles libyens, Khalifa Heftir, a estimé qu'il s'agissait d'un coup de «bluff» du numéro un libyen Mouammar Kadhafi. «Le monde entier sait que Mouammar Kadhafi est un menteur. Lui, ses fils et sa famille, et tous ceux qui sont avec lui sont des menteurs», a-t-il insisté.

La Libye «a décidé d'observer immédiatement un cessez-le-feu et de mettre fin à toutes les opérations militaires», a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa.

M. Koussa a expliqué que son pays, membre à part entière de l'ONU, était «contraint d'accepter la résolution du Conseil de sécurité», tout en regrettant «profondément» cette résolution qui, selon lui, «aggravera la souffrance du peuple libyen».

Il n'était pas possible d'établir dans l'immédiat si les combats avaient réellement cessé.

La communauté internationale a réagi avec circonspection à l'annonce de M. Koussa. Elle «ne va pas se laisser tromper» par le régime libyen «et va vérifier par tous les moyens le degré de respect» de la résolution de l'ONU, a affirmé le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero.

L'Union européenne est en train «d'examiner» les détails de l'annonce du régime libyen, a déclaré la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, en soulignant qu'il fallait s'interroger sur sa «signification».

Le colonel Kadhafi avait auparavant menacé de «transformer en enfer la vie» de ceux qui attaqueraient la Libye, dans une interview à la télévision publique portugaise RTP réalisée quelques heures avant le vote de l'ONU.

«La mer Méditerranée sera ravagée. Aucun trafic aérien ou maritime ne sera sécurisé», avait-il avertit.

Avant l'annonce du cessez-le-feu, le porte-parole du gouvernement français avait annoncé que les frappes militaires n'étaient plus qu'une question d'heures.

L'agence européenne de contrôle aérien (Eurocontrol) a interdit les vols civils vers la Libye.

Jeudi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à la force contre les troupes pro-Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes après plus d'un mois d'une insurrection réprimée dans le sang.

La résolution autorise «toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne. Elle permet aussi une zone d'exclusion aérienne mais précise qu'il n'est pas question d'occupation militaire.

De nombreux pays, dont la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Qatar ou le Canada se préparaient vendredi à participer à l'opération ou à la soutenir.

La Chine, qui comme la Russie, l'Allemagne, le Brésil et l'Inde s'est abstenue lors du vote jeudi, s'est dite «opposée à l'usage de la force militaire dans les relations internationales».

Berlin a mis en garde contre des «risques et des dangers considérables» en cas d'intervention et Moscou a exclu toute participation.

La Ligue arabe a réitéré vendredi son soutien à une zone d'exclusion aérienne en Libye. L'UE s'est dite prête à «mettre en oeuvre» la décision de l'ONU, dans la limite de ses compétences, et l'Otan va débattre de son rôle.

Un sommet Union Européenne-Union Africaine-Ligue arabe sur la Libye est prévu samedi à Paris, en présence du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, selon l'organisation panarabe.

Sur le terrain, où les forces loyales au colonel Kadhafi ont reconquis ces derniers jours de larges pans de territoire à coups de bombardements aériens et terrestres, les combats se sont poursuivi au moins vendredi matin, dans l'Est comme dans l'Ouest.

Dans l'Ouest, les forces loyalistes ont pilonné Misrata (200 km à l'est de Tripoli), selon un porte-parole des insurgés. Dans l'Est, des combats ont eu lieu aux alentours d'Ajdabiya. Un journaliste de l'AFP a entendu de nombreuses explosions en provenance de Zuwaytinah, un petit port pétrolier situé à 30 km au nord-ouest d'Ajdabiya.

À Benghazi, la «capitale» de l'opposition, la résolution de l'ONU a été célébrée toute la nuit, mais la ville est restée calme vendredi en dépit des menaces du colonel Kadhafi, selon des journalistes de l'AFP.

Toute attaque contre des civils à Benghazi constituerait un crime de guerre, a mis en garde vendredi le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo, qui a ouvert début mars une enquête pour crimes contre l'humanité visant notamment le colonel Mouammar Kadhafi et ses fils.

Les auteurs de crimes contre des civils en Libye seront «traduits en justice», a avertit Ban Ki-moon.

Quelque 300 000 personnes ont fui les violences en Libye, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui s'attend à ce que 1 500 à 2 500 personnes continuent d'en faire autant chaque jour.

Le cessez-le-feu a fait repartir à la baisse les prix du pétrole. Vers 13H10 GMT, le baril de «light sweet crude» pour livraison en avril s'échangeait à 101,19 dollars à New-York, en baisse de 23 cents par rapport à la veille alors qu'à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord cédait 78 cents à 114,12 dollars.