Mise sur pied pour empêcher des attaques de pays étrangers ou de groupes islamistes contre ses membres, le Bouclier de la péninsule, sorte d'OTAN des pays du Golfe, a entamé hier une mission bien différente de son mandat initial. Appelés à l'aide par le roi de Bahreïn, aux prises avec une vague de contestation depuis un mois, des soldats d'Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis ont fait leur entrée dans le petit royaume.

C'est la première fois depuis le début des mouvements de protestation qui secouent le monde arabo-musulman qu'un dirigeant appelle d'autres pays à l'aide. Le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa aurait évoqué une «menace à la sécurité» de son pays.

Bien que le nombre de soldats déployés soit inconnu pour le moment, les autorités de l'Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis ont confirmé hier que des troupes étaient en route ou déjà arrivées à Bahreïn, où elles devront notamment sécuriser les infrastructures et les institutions financières. Des témoins ont vu des dizaines de véhicules militaires traverser le pont qui sépare l'Arabie Saoudite de l'archipel qu'est Bahreïn.

Un responsable des forces saoudiennes a affirmé à l'AFP que les forces étaient envoyées à Bahreïn dans le cadre du «Bouclier de la péninsule». Mis sur pied en 1984, ce bras armé du Conseil de la coopération du Golfe, organisation régionale économique et politique, regroupe les effectifs militaires de Bahreïn, de l'Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis, du Koweït, d'Oman et du Qatar. Ce Bouclier a notamment été déployé lors des deux guerres du Golfe en 1990 et 2003.

«Une occupation»

La réaction des mouvements d'opposition à l'arrivée des troupes étrangères ne s'est pas fait attendre. Hier, dans un communiqué de presse, l'opposition parlementaire, largement chiite dans un pays dirigé par la minorité sunnite, a manifesté sa colère. «Nous considérons que l'arrivée de tout soldat ou véhicule militaire est une occupation ouverte du royaume et un complot contre la population civile non armée», peut-on lire.

Le déploiement des troupes étrangères survient au lendemain de violents affrontements entre les forces de l'ordre de Bahreïn et des manifestants qui campent sur la place de la Perle dans la capitale, Manama. Au moins six manifestants auraient été tués dans la journée de dimanche alors qu'ils tentaient de bloquer l'accès au district financier de la capitale. Hier, cependant, les protestataires étaient de retour sur la place centrale, qu'ils occupent depuis le 14 février.

Principalement chiites, les manifestants demandent la démission du gouvernement et l'élection d'un Parlement avec de pleins pouvoirs législatifs - ce pays de 1,2 million d'habitants est gouverné depuis 1783 par la même dynastie sunnite. Ils dénoncent aussi la discrimination dont est victime la majorité chiite (près de 60% de la population), à qui il est notamment interdit de s'engager dans l'armée nationale.

Les partis progouvernementaux ont pour leur part demandé hier au chef d'État de déclarer la loi martiale pour une période de trois mois. Dans une série de messages Twitter, le premier ministre de Bahreïn a vilipendé les manifestants, hier: «Ce que nous voyons à Bahreïn n'est pas un mouvement pacifique. C'est un mouvement de type gangster qui prend en otage la vie des gens.»

L'administration américaine, qui a des intérêts marqués dans le petit pays du Golfe (la Cinquième Flotte américaine y est stationnée), a demandé le week-end dernier au roi de Bahreïn de procéder à des réformes démocratiques.

avec AFP, AP, BBC, Guld News et Al-Jazira