Un mois après la démission du président Hosni Moubarak sous la pression de la rue, l'Égypte est engagée dans une difficile transition politique, marquée par des tensions persistantes et par une économie fragilisée.

Le 11 février, au bout de 18 jours d'une révolte populaire sans précédent contre le régime, le vice-président Omar Souleimane annonçait la démission de M. Moubarak et la remise du pouvoir à l'armée.

En moins d'une minute, le temps du laconique message télévisé de M. Souleimane, l'Egypte incrédule tournait la page de près de 30 ans d'un règne autocratique et entrait dans une délicate transition sous l'égide du Conseil suprême des forces armées.

Cette junte d'une vingtaine de généraux a promis de faciliter le passage à la démocratie et de rendre le pouvoir aux civils dès que possible.

Une explosion de joie avait salué la nouvelle sur la place Tahrir au Caire, symbole de la contestation après avoir été occupée jour et nuit par les manifestants exigeant le départ de M. Moubarak.

L'euphorie cède toutefois la place à l'incertitude.

Instabilité politique, difficultés économiques et violences confessionnelles sont venues ternir le tableau, malgré des gages de rupture avec le passé des nouvelles autorités qui ont lancé une «opération mains propres» en poursuivant plusieurs anciens ministres et hommes d'affaires.

En quelques semaines, le pays a assisté à une valse ministérielle, les manifestants maintenant la pression pour que le gouvernement soit purgé des figures de l'ère Moubarak. Pour apaiser les esprits, l'armée a nommé au poste de Premier ministre Essam Charaf, une personnalité respectée qui a formé un cabinet débarrassé des barons de l'ancien régime.

Mais le calendrier proposé par l'armée -un référendum sur des amendements à la Constitution le 19 mars, des législatives et une présidentielle dans les mois à venir- est jugé trop serré par certains, dans un pays où l'opposition est faible et peu structurée, à l'exception des Frères musulmans.

L'économie reste un vrai défi. Aucune date n'a été fixée pour la réouverture de la Bourse du Caire, fermée depuis plus d'un mois, et le pays connaît une vague de grèves et de revendications sociales venant s'ajouter à la chute du tourisme.

Jeudi, le ministre des Finances Samir Radwane a prévenu que le taux de croissance pourrait chuter à 3% pour l'année fiscale en cours contre les 5,8% initialement prévus si les mouvements sociaux se poursuivent.

L'insécurité a aussi pris de l'ampleur. Des actes de violence ont été rapportés dans la capitale, d'ordinaire considérée comme sûre, provoquant une spirale de rumeurs.

Le nouveau ministre de l'Intérieur, Mansour al-Issaoui, s'est engagé à faire de la sécurité sa priorité. Les policiers, qui avaient déserté les rues d'Egypte quelques jours après le début du soulèvement, réapparaissent petit à petit.

L'inquiétude est montée d'un cran mardi soir après des affrontements entre chrétiens et musulmans, qui ont fait au moins 13 morts dans l'est du Caire. Un millier de chrétiens s'étaient réunis pour protester contre l'incendie d'une église de la capitale, après des violences ayant fait deux morts.

Signe que la transition reste difficile, des partisans du président déchu armés de couteaux et bâtons ont attaqué mercredi des centaines de manifestants pro-démocratie rassemblés place Tahrir.

«Il y a un bras de fer entre les partisans de la révolution et les restes du système Moubarak (...) J'ai confiance dans le fait que nous allons gagner à la fin, mais le bras de fer est là», affirme l'écrivain Khaled el-Khamissi.

Vendredi, des milliers de personnes brandissant des croix et des corans se sont rassemblées à Tahrir en scandant «Le peuple veut l'unité nationale».