Deux semaines après le début des soulèvements en Libye, et alors que les efforts d'évacuation des ressortissants canadiens ont été passablement désordonnés, Ottawa y dépêche maintenant un navire militaire, qui n'arrivera toutefois que dans une semaine.



«À la lumière des problèmes et des inquiétudes croissantes dans la région, le NCSM Charlottetown partira de Halifax demain pour participer aux opérations canadiennes et internationales d'évacuation qui sont déjà en cours en Libye», a déclaré mardi à la Chambre des communes le premier ministre Stephen Harper.

Un hélicoptère Sea King et 240 membres des Forces canadiennes seront à bord de la frégate, dont l'objectif premier est de faire sortir les quelque 100 à 200 Canadiens toujours en Libye qui ont manifesté le souhait de quitter le pays.

Mais à sa sortie de la période des questions, le ministre de la Défense, Peter MacKay, a concédé que le navire pourrait arriver trop tard puisque les efforts d'évacuation se poursuivent.

«Ça, c'est juste la réalité. Ça prend six jours pour se rendre là-bas. C'est pour cette raison que nous avons aussi des aéronefs sur place en ce moment; deux avions Hercules C-130 et un appareil C-17», a répondu le ministre MacKay à la question de savoir s'il resterait encore des Canadiens en Libye au moment où le navire militaire arrivera.

Il a ajouté qu'il espérait même que l'évacuation soit terminée dans six jours, de sorte que les soldats du NCSM Charlottetown pourraient participer à l'aide humanitaire.

Des ratés

Si le ministère de la Défense nationale a pris le relais des Affaires étrangères pour organiser l'évacuation des ressortissants canadiens, Ottawa n'est pas au bout de ses peines pour autant. Mardi, un des deux avions Hercules que le gouvernement a dépêchés dans la région s'est vu refuser l'autorisation d'atterrir à Tripoli et a dû rebrousser chemin, en plein vol, et retourner se poser à Malte, d'où il était parti.

«Ce qui est arrivé aujourd'hui, et c'est arrivé aussi à d'autres pays, c'est qu'à certaines occasions les atterrissages nous sont refusés, a expliqué le ministre MacKay. La raison qui nous a été donnée est qu'il n'y avait pas suffisamment de place sur le tarmac de l'aéroport à ce moment précis de la journée. L'avion était en vol, il a fait demi-tour.»

L'évacuation des Canadiens a déjà connu quelques ratés la semaine dernière: un avion nolisé n'a pu se rendre en Libye, faute d'assurances, et un autre est revenu bredouille de l'aéroport de Tripoli.

En date de mardi, quelque 255 Canadiens avaient été évacués, la grande majorité à bord d'avions et de bateaux étrangers.

Le ministre MacKay a indiqué que le gouvernement prend toujours les appels des Canadiens qui souhaitent quitter la Libye et qu'il continue à coordonner les efforts avec les autres pays alliés et le ministère des Affaires étrangères.

Il a par ailleurs refusé de confirmer si des soldats de l'unité spéciale JTF-2 se trouvent en Libye. «On ne discute jamais des opérations des forces spéciales, a souligné M. MacKay. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des membres des Forces canadiennes qui sont sur place.»

Le Canada a adopté dans les derniers jours, à l'instar de l'ONU, des sanctions contre le régime de Mouammar Kadhafi, qui refuse de céder le pouvoir. Ottawa a notamment gelé les avoirs du dictateur et de ses proches.

Il s'agit du dernier revers en date pour les opérations canadiennes d'évacuation en Libye, qui se sont heurtées à plusieurs écueils depuis leur déclenchement.

Un porte-parole militaire a confirmé qu'un avion militaire canadien qui se dirigeait vers Tripoli avait dû retourner à son point de départ, mardi, en raison d'un refus d'autorisation d'atterrissage. L'avion se trouvait alors à mi-chemin entre l'île de Malte et la Libye.

«Ce refus s'expliquerait apparemment par un manque d'espace sur la piste de l'aéroport international de Tripoli», a expliqué le major André Salloum, du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada.

La semaine dernière, un autre avion militaire canadien avait fait face à des difficultés semblables. L'avion est resté bloqué à Rome avant de pouvoir commencer les évacuations pendant la fin de semaine. Au moins deux avions civils nolisés par le ministère des Affaires étrangères ont par ailleurs quitté la Libye sans aucun passager à bord.

L'avion Hercules, l'un des récents modèles achetés par le gouvernement Harper, est retourné à Malte, où la Force aérienne a stationné un autre C-130 et deux gigantesques avions de transport C-17.

Un porte-parole du ministre de la Défense, Peter MacKay, a défendu les décisions d'Ottawa dans ce dossier.

«La priorité de notre gouvernement reste l'évacuation en toute sécurité des ressortissants canadiens qui se trouvent en Libye», a affirmé Jay Paxton.

«Un avion militaire canadien s'est rendu en Libye pour y transporter de l'équipement et pour secourir des Canadiens et d'autres ressortissants. Ces vols continuent», a dit M. Paxton.

Un autre vol militaire canadien vers la Libye est prévu mercredi, a indiqué le major Salloum.

Une équipe de reconnaissance militaire canadienne accompagnée de médecins se trouve présentement à Malte pour évaluer ce qui peut être fait pour mieux organiser l'évacuation des Canadiens coincés en Libye.

On ne sait pas pour quelle entreprise travaillent les personnes qui auraient dû être évacuées par cet avion.

Le gouvernement fédéral a déjà transporté 230 Canadiens hors de la Libye, en plus d'un certain nombre de citoyens d'autres pays. Ottawa a fermé son ambassade à Tripoli il y a quelques jours et a établi une mission diplomatique satellite à Malte.

Le premier ministre Stephen Harper a discuté mardi avec son homologue maltais, Lawrence Gonzi, afin de le remercier d'avoir accueilli des représentants de son gouvernement et des Forces canadiennes.

Le porte-parole de M. Harper, Dimitri Soudas, a indiqué que les deux dirigeants ont aussi discuté de la nécessité d'empêcher le régime libyen de perpétrer des actes de violence contre son propre peuple.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a affirmé devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, à Genève, que la communauté internationale devait se concentrer sur la crise humanitaire en cours en Libye. Il a ajouté que le Canada était prêt à fournir de l'assistance pour juguler la crise, sans toutefois préciser quelle forme elle prendrait

Photo: Steve Rennie, PC

Un avion militaire canadien de type Hercules.