Tunis a connu samedi une véritable bataille rangée entre forces de l'ordre et manifestants dans le centre de la capitale, théâtre de scènes de chaos et d'une chasse à l'homme tous azimuts, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Des dizaines de rafales d'armes automatiques, des tirs incessants de gaz lacrymogènes, des tirs de sommation, des sirènes de voiture de police et d'ambulances, des hurlements de policiers et de manifestants résonnaient depuis plus de quatre heures dans le coeur de Tunis, où une multitude d'arrestations très musclées étaient opérées en fin d'après-midi.

Des soldats ont également effectué des tirs nourris de sommation pour disperser des manifestants, qui se sont ensuite enfuis dans des rues latérales à proximité de l'avenue centrale Habib Bourguiba.

La circulation, même des piétons, a d'ailleurs été interdite à partir de samedi 18H00 jusqu'à dimanche minuit sur l'avenue. Alors que des flammes s'échappaient d'un immeuble, deux blindés de l'armée ont remonté l'artère sous les invectives de policiers nerveux et fatigués.

Des Tunisiens, pour la plupart âgés de moins de 20 ans, encagoulés ou portant des masques, ont harcelé et nargué les forces de l'ordre depuis 14H00.

Dispersés une première fois devant le ministère de l'Intérieur, les manifestants s'étaient regroupés dans l'avenue Habib Bourguiba et les rues adjacentes pour attaquer de nouveau les policiers avec des pierres et des  barres de fer.

Aux cris de «Nous voulons faire tomber le régime», ces jeunes se présentent comme «les lionceaux de la révolution». Il ont lancé au moins deux attaques contre la police, contraignant cette dernière à se replier vers le ministère de l'Intérieur.

D'autres manifestants scandaient «les policiers ont réprimé, violé, torturé» nos proches et maintenant on augmente leur salaire».

Auparavant, des policiers des unités anti-émeutes et d'autres en civil, la plupart cagoulés, ont tenté de faire barrage à des manifestants, qui continuaient de leur jeter des pierres à la hauteur de l'avenue de Paris, perpendiculaire à l'avenue centrale Habib Bourguiba et toute proche de l'ambassade de France, qui selon un responsable, «n'a enregistré aucun signe d'agressivité».

La police avait déjà procédé en début d'après-midi à de nombreuses arrestations musclées et demandé des renforts. Des manifestants ont de leur côté arraché des panneaux publicitaires et des bancs pour tenter de freiner la progression des fourgons de police.

Des jeunes femmes participaient également aux affrontements, dont une a été brutalement arrêtée.

Pour la plupart des Tunisiens, la police symbolise toujours la répression sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir le 14 janvier.

L'avenue Bourguiba, où des cafés ont été saccagés, était enveloppée dans un épais brouillard mordant de gaz lacrymogènes et jonchée de pierres, de bancs et de poubelles arrachées et de barrières métalliques.

La veille policiers et manifestants s'étaient déjà affrontés autour du ministère de l'intérieur. Trois commissariat du centre-ville avaient été incendiés ou saccagés.

Un nombre important de voitures de police circulaient également dans le centre où l'entrée des rues était bloquée par des policiers. Sous une fine pluie, des manifestants couraient en direction du souk, situé à proximité.

Furieux, certains étaient armés de bâtons, de matraques, de bars de fer et pestaient contre les passants.

«Rentrez chez vous, je vais vous apprendre ce que c'est la démocratie», s'écriait un des policiers, pris lui aussi dans un nuage de gaz lacrymogène.

En fin de journée, le gouvernement de transition n'avait toujours pas réagi à ces violences.