Des fissures profondes ont commencé à apparaître lundi au sein du régime Kadhafi, après plus de 40 ans de pouvoir: des diplomates et le ministre de la Justice ont démissionné, des pilotes de l'armée de l'air ont demandé l'asile politique et un incendie a ravagé le siège du gouvernement à Tripoli après des affrontements entre manifestants et policiers.

Les manifestants se préparaient d'ailleurs, lundi, à une nouvelle nuit de protestations au centre-ville de Tripoli, en dépit de la répression violente lancée par le gouvernement. Le régime Kadhafi semblait se préparer à lancer une nouvelle offensive d'envergure pour tenter d'écraser les troubles qui ont déjà balayé l'est de la Libye - laissant la deuxième ville du pays essentiellement entre les mains des manifestants - et menacent maintenant d'engloutir la capitale.

À la tombée du jour, lundi, la télévision gouvernementale a annoncé que l'armée avait donné l'assaut contre le «repaire des saboteurs» et a demandé au public d'appuyer les forces de l'ordre.

Des avions militaires ont survolé la capitale à basse altitude en soirée et des tireurs d'élite avaient pris place sur le toit de différents édifices, possiblement pour empêcher des Libyens provenant de l'extérieur de la capitale de se joindre aux manifestations, a expliqué un dissident installé à Londres.

Les forces fidèles au colonel Kadhafi ont lancé la répression la plus sanglante depuis le début des troubles qui ont déjà renversé les leaders tunisien et égyptien. Au moins 233 personnes ont été tuées en Libye à ce jour, selon le groupe humanitaire Human Rights Watch.

À Benghazi, les manifestants ont pris le contrôle du quartier général des forces de sécurité, le Katiba, avant de hisser le drapeau de l'ancienne monarchie renversée par Kadhafi en 1967.

«Kadhafi a besoin d'une autre poussée et il sera parti, a estimé l'avocat Amal Roqaqie. (Les manifestants) imposent une nouvelle réalité. (...) Tripoli sera notre capitale. Nous imposons un nouvel ordre et un nouvel état, un gouvernement transitoire, civil et constitutionnel.»

Les signes de désintégration du régime Kadhafi se sont multipliés, lundi. Les représentants de la Libye aux Nations unies ont ainsi demandé au colonel Khadafi de démissionner. L'ambassadeur adjoint Ibrahim Dabbashi a déclaré que les Lybiens se débarasseront du colonel Khadafi s'il ne part pas de son plein gré.

Certaines informations ont circulé lundi concernant le départ du colonel Kadhafi vers le Venezuela. Le ministre vénézuélien de l'Information a toutefois démenti que le leader lybien - un proche du président vénézuélien Hugo Chavez - y soit attendu.

M. Dabbashi a demandé à la communauté internationale d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour empêcher des mercenaires, des armes et d'autres biens de rejoindre les forces de l'ordre du colonel Khadafi.

M. Dabbashi a aussi précisé qu'il ne démissionnait pas.

Le diplomate a ajouté que la délégation lybienne demande à la Cour pénale internationale d'ouvrir une enquête pour crimes contre l'humanité, concernant la répression des manifestants en Libye.

Par ailleurs, le ministre libyen de la Justice Mustafa Abdel-Jalil a démissionné de ses fonctions pour protester contre «l'usage excessif de la force contre des manifestants désarmés», a rapporté lundi le site Internet d'information pro-gouvernemental Qureyna.

Lundi dans la journée, un incendie faisait rage au Palais du Peuple, où l'équivalent du Parlement tient plusieurs sessions par an, selon le site Qureyna qui n'a pas fourni d'autres détails.

Enfin, deux chasseurs de l'armée de l'air lybienne se sont posés à Malte, lundi, et leurs pilotes ont demandé l'asile politique. Les deux appareils Mirage qui se sont posés à l'aéroport international de Malte arrivaient apparemment d'une base militaire près de Tripoli.

Ils avaient été précédés de deux hélicoptères transportant sept passagers qui pourraient être Français. Ces passagers avaient quitté la Libye si rapidement qu'un seul était en possession de son passeport.

Les sept passagers et les deux pilotes étaient interrogés, lundi.