Au moins huit personnes ont été tuées mercredi et jeudi dans des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre en Libye, au 3e jour d'un mouvement de contestation contre le régime du colonel Kadhafi au pouvoir depuis bientôt 42 ans.

Alors que des appels avaient été lancés sur Facebook pour faire de jeudi une «journée de la colère» contre le régime, des sites d'opposition basés à l'étranger ont fait état de six morts à Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays située à 1 000 km à l'est de Tripoli.

Des «affrontements violents» ont eu lieu jeudi à Benghazi, faisant «six morts jusqu'ici» et 35 blessés, selon les sites Al Youm et Al-Manara.Par ailleurs, des avocats ont manifesté devant un tribunal de la ville, réclamant une constitution pour le pays, a-t-on ajouté.Des manifestations violentes ont également eu lieu à Zenten, à 145 km de Tripoli, a rapporté le journal libyen Quryna sur son site internet.

Le mouvement de contestation contre le régime du colonel Kadhafi avait débuté mardi à Benghazi où 38 personnes avaient déjà été blessées dans la nuit de mardi à mercredi.

Ces rassemblements hostiles au pouvoir, rares en Libye, sont inspirés par les révoltes dans deux pays frontaliers, la Tunisie et l'Égypte.

Plus tôt jeudi, Quryna avait fait état sur son site internet de deux morts mercredi dans des manifestations à Al-Baïda, à 1 200 km à l'est de Tripoli.

Selon Quryna, qui cite des «sources de sécurité bien informées», le ministère de l'Intérieur a limogé jeudi un haut responsable local des services de sécurité, suite à la mort de deux manifestants, Khaled Khanfer et Saad el-Yamani.Plusieurs voitures de polices et particulières ont été incendiées par la foule, selon le journal.

«Les forces de la Sécurité intérieure et des milices des comités révolutionnaires ont dispersé, en usant des balles réelles, une manifestation pacifique de jeunes de la ville d'Al-Baïda», faisant «au moins quatre morts et plusieurs blessés», avait indiqué auparavant dans un communiqué Libya Watch, une organisation de défense des droits de l'Homme basée à Londres.Des sites d'opposition, dont Libya Al-Youm, ont fait état également d'au moins quatre manifestants tués par balles réelles.

Des vidéos circulant sur internet montraient des dizaines de jeunes rassemblés la nuit dernière à Al-Baïda scandant: «le peuple veut faire tomber le régime», tandis que des voitures prenaient feu, en l'absence des forces de sécurité.

L'appel à la «journée de la colère» contre le régime ne semblait pas suivi à Tripoli, où des centaines de manifestants pro-régime se sont rassemblées dans l'après-midi sur la Place verte au coeur de la capitale, tandis que d'autres défilaient dans des cortèges de voitures dans les rues de la ville dans un concert de klaxon.«Kadhafi, le père de tout le peuple», «la foule soutient la révolution et le leader», pouvait-on notamment lire sur les pancartes brandies par les manifestants.

La sécurité était légèrement renforcée sur les artères principales de Tripoli, tandis que la circulation était plus fluide que d'habitude.Amnesty International, la Grande-Bretagne et l'Union européenne ont appelé mercredi soir à éviter le recours à la force, tandis que les États-Unis ont demandé à Tripoli de «prendre des mesures spécifiques qui répondent aux aspirations, aux besoins et aux espoirs de leur peuple».

Mercredi soir, des SMS ont été envoyés par «les jeunes de la Libye» sur le réseau de téléphonie mobile, mettant en garde celui qui «oserait toucher aux quatre lignes rouges»: Mouammar Kadhafi, l'intégrité territoriale, l'islam et la sécurité du pays.Par ailleurs, des centaines de manifestants pro-régime défilaient depuis mercredi à Benghazi, Syrte (est), Sebha (sud) et Tripoli, selon des images de la télévision d'Etat diffusées en boucle.

Les comités révolutionnaires, piliers du régime, ont prévenu de leur côté qu'ils ne permettraient pas «de piller les acquis du peuple et de menacer la sécurité du citoyen et la stabilité du pays».