L'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, qui a fui son pays le 14 janvier sous la pression de la rue après 23 ans de pouvoir sans partage, est «dans le coma» depuis deux jours dans un hôpital de Jeddah suite à un accident vasculaire cérébral, a annoncé jeudi à l'AFP un proche de sa famille.

«Il est entré dans le coma il y a deux jours.

Il est à l'hôpital à Jeddah», a déclaré cette source contactée au téléphone par l'AFP dans un pays du Golfe. «Il a eu un AVC (accident vasculaire cérébral), il est dans un état grave», a-t-elle ajouté.

«S'il meurt, c'est un dictateur qui est parti et je dis bon débarras. On tourne la page, on a d'autres choses à faire dans ce pays», a réagi Adel, enseignant de 50 ans. «Si sa mort se confirme, je dis sans revanche que la punition divine est vite tombée», a dit un étudiant de 25 ans, Amin, interrogé dans le centre de Tunis.

«Je m'oppose à son enterrement dans notre pays», a-t-il ajouté.

Interrogé sur l'hospitalisation de Ben Ali, le porte-parole du gouvernement tunisien, Taieb Baccouch, n'a pas été en mesure de confirmer. Il a déclaré que «son état de santé sera discuté vendredi en Conseil des ministres».

Le président déchu, qui souffre d'un cancer de la prostate, et sa famille ont fui en Arabie Saoudite le 14 janvier après près d'un mois de contestation populaire sans précédent réprimée dans le sang au prix de plusieurs dizaines de morts.

Le journal tunisien Le Quotidien avait publié jeudi un article intitulé «Ben Ali victime d'une attaque cérébrale», citant le blog du journaliste français Nicolas Beau, spécialiste de la Tunisie, où il affirmait que Ben Ali est dans un état grave et que pour des raisons de sécurité, il «serait soigné sous l'identité d'un émir saoudien».

Touafik Ben Brik, le journaliste dissident tunisien qui a connu les geôles du régime de Ben Ali pour ses articles critiques, a déclaré à l'AFP qu'il se sentait «presque en deuil»: «Je ne pourrais pas l'oublier, il est encore en nous, il fait partie de notre passé et il vivra encore longtemps en nous».

Un des plus célèbres opposants tunisiens, le communiste Hama Hammami, a estimé que «c'est le sort de tous les dictateurs dans le monde».

Pour le juriste tunisien Yadh Ben Achour, président de la commission nationale de réformes politiques, l'hospitalisation de Ben Ali prouve qu'il «y a une justice sur terre».

Ben Ali a régné sur le pays en bâtissant son régime sur un équilibre entre poigne de fer s'appuyant sur une police aujourd'hui honnie et prospérité, qui s'est finalement rompu, causant sa chute.

Père de six enfants, dont trois d'un premier mariage, il apparaissait les derniers temps souvent accompagné de son épouse Leila Trabelsi. Selon des observateurs, il semblait fragile et sous l'emprise de sa belle famille accusée de mainmise sur l'économie.

La révolte contre le pouvoir avait débuté à Sidi Bouzid (centre-ouest) après le suicide mi-décembre de Mohamed Bouazizi, un jeune chômeur de 26 ans empêché d'exercer comme marchand ambulant par les forces de l'ordre et devenu le symbole de l'exaspération des jeunes dans ce pays où le chômage touche près de 30% des jeunes.

Les émeutes avaient progressivement pris un tour politique, s'étaient étendues à tout le pays et avaient gagné la capitale touchant les élites bourgeoises. L'armée avait joué un rôle capital en refusant de tirer sur des manifestant au plus fort de la contestation.

Depuis son départ, les avoirs du président déchu ont été gelés dans plusieurs pays, de nombreux membres de sa famille ont été arrêtés et un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui et son épouse.

Depuis, un gouvernement de transition dirigé par son ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi et comprenant des membres de l'ex-opposition, a promis de consacrer pluralisme et démocratie. Les premières élections libres - présidentielle et législatives- sont prévues dans 6 mois. Une loi d'amnistie est prévue ainsi que la légalisation des anciens partis d'opposition interdits.

Les nouvelles autorités, qui restent confrontées à l'instabilité sociale et à une forte contestation politique, redoutent un «complot» des affidés de l'ancien régime.