Des milliers de manifestants se sont rassemblés mercredi sur une place de Manama pour réclamer des réformes dans ce petit royaume du Golfe où l'opposition chiite a appelé à une «véritable» monarchie constitutionnelle.

Les États-unis ont demandé à Bahreïn, un proche allié, de respecter le droit de ses citoyens à manifester de façon pacifique et à faire entendre leurs doléances, alors que des appels ont été lancés pour des manifestations vendredi et samedi, respectivement par l'opposition et des internautes.

En soirée, la place de la Perle dans la capitale Manama restait noire de monde et l'ambiance était festive. Les forces de l'ordre se tenaient à l'écart.

«Ni sunnites, ni chiites, unité nationale», «Nous demandons une nouvelle constitution et l'alternance au pouvoir», proclamaient des pancartes.

Un homme portant son bébé brandissait une pancarte disant: «J'aime mon pays», tandis que les femmes drapées de noir avec leurs enfants occupaient un coin de la place. Les manifestants ont installé de nombreuses tentes et des postes de télévision, se préparant à passer une nouvelle nuit sur les lieux.

La place a été renommée Tahrir (Libération), comme celle du Caire qui a été l'épicentre du soulèvement ayant provoqué la chute du président Hosni Moubarak.

Des partisans du régime bahreïni ont défilé dans l'île de Moharraq, séparée par un pont de la principale île de Manama, en proclamant leur soutien au roi Hamad ben Issa Al-Khalifa.

La contestation a été déclenchée lundi à l'initiative d'internautes qui ont appelé sur Facebook à des manifestations pour réclamer des réformes politiques et sociales à Bahreïn, dans la foulée des soulèvements en Tunisie et en Égypte.

C'est surtout la majorité chiite dans cet archipel de 741 km2, gouverné par une dynastie sunnite, qui s'estime discriminée en matière d'emploi, de services sociaux, des services publics et de logement.

Lundi et mardi, deux jeunes chiites ont été tués dans la dispersion de manifestations. Les autorités ont présenté leurs excuses pour ces victimes et annoncé l'arrestation de responsables présumés au sein de la police.

Dans la matinée, plus de 2 000 personnes ont participé à Mahouz, une banlieue chiite de Manama, aux funérailles du manifestant Fadel Salman Matrouk, tué par balle lors des obsèques du premier manifestant décédé. Certaines ont scandé, comme en Égypte, «Le peuple veut la chute du régime».

La Maison Blanche, s'inquiétant de la violence, a appelé autorités et manifestants «à s'abstenir de recourir à la violence» dans le royaume, siège de la Ve Flotte américaine et port d'attache des bâtiments de guerre américains en mission dans la région.

Londres a dénoncé l'usage excessif de la force contre les manifestants.

Le chef de l'opposition chiite, Ali Salmane, a réclamé «une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple», mais assuré ne pas vouloir la chute du régime ni l'instauration d'un État religieux sur le modèle iranien.

Le mouvement Al-Wefaq (18 élus sur 40 sièges à l'Assemblée) qu'il dirige a annoncé le boycottage du Parlement.

Cheikh Salmane a invité le gouvernement à «engager le dialogue» avec l'opposition sur des réformes à réaliser «selon un calendrier précis».

«Le gouvernement est prêt au dialogue, mais dans le cadre des institutions légales», lui a répondu le ministre de la Justice, Khaled ben Ali Al-Khalifa, estimant que l'opposition fermait «la porte au dialogue» en encourageant la pression de la rue, et balayant les critiques internationales.

Bahreïn (1,2 million d'habitants) fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières du Golfe, ses réserves de pétrole étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, il a été le théâtre de violences animées par des chiites, qui avaient fait une quarantaine de morts.