Des cybermilitants aux Frères musulmans, les opposants égyptiens étaient euphoriques vendredi après le départ du président Hosni Moubarak sous la pression populaire, mais sont restés évasifs sur leur stratégie à venir alors que l'armée prend en charge le pays.

Figure en vue de l'opposition et soutien de la première heure des manifestants, Mohamed ElBaradei a déclaré sur le site de microblogs Twitter que l'Égypte était désormais une «nation libre et fière».

«La vie recommence pour nous», a aussi déclaré l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix sur le canal anglophone de la chaîne satellitaire qatarie Al-Jazira.

M. ElBaradei, qui ne dispose pas de parti structuré, avait avertit jeudi soir, alors que le président Moubarak refusait de démissionner, que l'Égypte risquait d'«exploser», et avait appelé l'armée à «sauver» le pays.

L'ancien haut fonctionnaire international, qui n'exclut pas de se porter candidat à la présidence si les institutions et la loi électorale sont profondément remaniées, milite depuis un an pour de profonds changements démocratiques.

Le cybermilitant Waël Ghonim, devenu une icône du soulèvement en Égypte, a écrit sur son compte Twitter : «Félicitations à l'Égypte, le criminel a quitté le palais».

Ce jeune cadre égyptien du géant américain de l'internet Google avait été arrêté durant les manifestations puis libéré lundi, après 12 jours de détention les yeux bandés selon son récit.

Il avait confirmé être l'administrateur de la page Facebook «Nous sommes tous Khaled Saïd», un groupe qui, au côté notamment du mouvement du 6-Avril, a participé au lancement de la contestation contre M. Moubarak le 25 janvier.

Il a cependant indiqué jeudi ne pas avoir d'ambitions politiques, promettant sur Twitter «à chaque Égyptien que je reviendrai à une vie normale et que je ne m'impliquerai pas en politique une fois que les Égyptiens auront réalisé leur rêve».

Les Frères musulmans, principale force de l'opposition en Égypte, ont rendu hommage à «l'armée qui a tenu ses promesses» et au «combat» du peuple égyptien.

«Nous célébrons ce moment avec le peuple égyptien et nous poursuivrons le chemin», a indiqué à l'AFP Essam al-Aryane, haut responsable et porte-parole de la puissante confrérie, refusant toutefois d'évoquer sa stratégie pour la suite.

Cette force d'opposition, la mieux structurée, a tenté de garder un profil bas au sein du mouvement de révolte sans précédent qui a secoué l'Égypte.

Elle suscite la crainte des Occidentaux, qui redoutent l'instauration d'un régime islamique après le départ de M. Moubarak, mais les Frères musulmans assurent qu'ils ne sont pas en faveur d'un État religieux.

Pour Claire Spencer, du centre d'études britannique Chatham House, la capacité de l'opposition à s'organiser sera déterminante pour l'avénement de véritables changements.

«Le départ de M. Moubarak n'est qu'un premier pas dans la transformation de l'Égypte. Ce qui suivra pourrait n'être qu'un réaménagement du système existant sans progrès fondamental vers le changement. Beaucoup dépendra de ce que l'opposition va faire», estime-t-elle.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, l'Égyptien Amr Moussa, qui n'est pas un opposant au sens propre mais qui n'exclut pas de briguer la présidence et qui est apparu au côté des manifestants, a appelé à un «consensus national».

Il a «salué les jeunes d'Égypte et les forces armées pour leur rôle dans la réalisation du changement historique en Égypte».