Les centaines de milliers de manifestants rassemblés sur la place Tahrir au Caire n'en démordent pas: ils ne partiront pas avant le départ du pouvoir du président Hosni Moubarak et pressent la puissante armée de «ne pas lâcher le peuple».

L'annonce du départ de M. Moubarak pour la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï (est), n'a pas semblé surprendre la foule, ni surtout refroidir son ardeur.

«Nous savons cela (le départ de M. Moubarak pour Charm el-Cheikh) car le convoi présidentiel s'est dirigé vers l'aéroport (militaire) d'Almaza», a indiqué Mohamed Attiyeh, journaliste au quotidien Al-Ahram.

«C'est tout naturel qu'il parte car il y a ici deux millions de personnes qui ne veulent pas de lui, en plus des gens dans les autres provinces», a-t-il ajouté, alors qu'un responsable de la sécurité a estimé à un million le nombre de manifestants mobilisés dans la seule capitale égyptienne.

«Nous ne voulons pas qu'il s'enfuit. Il doit être arrêté et jugé», a lancé de son côté Mohamed Mohamed.

Dans une ambiance chargée d'émotion, les protestataires qui défilent sur cette place depuis le 25 janvier contre M. Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, jurent qu'ils ne bougeront pas, même après que l'armée a exprimé son soutien aux réformes annoncées la veille par le président.

«S'il est déterminé, nous le sommes encore plus. C'est un individu contre 85 millions», a assuré Chérif el-Araf, 16 ans.

«L'armée doit immédiatement prendre la décision de faire tomber Moubarak, même par la force», s'est exclamé Mohamed, 60 ans, à deux pas des tanks postés près du Musée national qui jouxte la place, épicentre de la contestation.

Plusieurs pancartes brandies par les manifestants appelaient à un «procès immédiat» du président égyptien, âgé de 82 ans.

Les manifestants ont connu un moment d'émotion dans la matinée lorsque, selon des témoins, trois soldats de l'armée ont abandonné leurs armes et leurs uniformes pour se joindre à eux.

«Il faut que l'armée et le peuple restent main dans la main.

L'armée, c'est une garantie de la stabilité», a déclaré à l'AFP l'un de ces témoins, Omar Gamal, un étudiant.

Mais des manifestants rassemblés devant le palais présidentiel étroitement gardé au Caire, et dont la plupart espéraient obtenir le ralliement de l'armée, ont laissé éclater leur colère en apprenant la position des militaires. L'un d'entre eux a arraché le micro des mains de l'officier qui lisait le communiqué des militaires. «Vous nous avez déçus, on avait mis tous nos espoirs en vous», a-t-il crié. «Ce n'est pas un coup d'Etat», s'est défendu le colonel en assurant que l'armée ne prendrait pas le pouvoir, mais veillerait à ce que la volonté populaire soit reflétée dans le programme de réformes du régime. Là aussi, le départ du président pour sa résidence du Sinaï laissait de marbre.

«Les gens s'en fichent s'il reste au palais ou pas. Nous voulons qu'il quitte la présidence», a affirmé Mohamed Hamdan, 40 ans, qui travaille pour une compagnie pétrolière.

Des milliers de manifestants continuaient de converger dans l'après-midi vers le palais présidentiel et vers le siège de la télévision d'Etat.

A la place Tahrir, le cheikh menant la prière du vendredi s'est évanoui à la fin de son prêche, après avoir appelé l'armée égyptienne à «agir d'une manière qui soit acceptable devant Dieu le jour du Jugement dernier».

Mais avec ou sans l'armée, les manifestants semblaient vouloir résister jusqu'au bout. «C'est le peuple qui a fait venir Moubarak au pouvoir, c'est le peuple qui le chassera», a assuré Mounia, sous son voile bleu.