Le ton montait mercredi entre Washington et Le Caire, la Maison-Blanche estimant que les changements engagés par le pouvoir égyptien restaient insuffisants, tandis que le chef de la diplomatie égyptienne accusait les Américains de vouloir «imposer» leur volonté à son pays.

Au seizième jour d'une révolte sans précédent contre le régime de son allié Hosni Moubarak, Washington a dû se défendre de toute ingérence dans les affaires de l'Égypte, mais en réclamant à nouveau des réformes qui satisfassent les manifestants de la place Tahrir.

«A l'évidence, ce que le gouvernement a mis sur la table jusqu'à présent n'a pas répondu au seuil minimum de ce qui est exigé par les Égyptiens», a observé devant la presse le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs.

M. Gibbs s'en est pris particulièrement au vice-président égyptien Omar Souleimane, chargé par M. Moubarak de négocier une transition politique avec l'opposition.

«Son processus de transition ne semble pas correspondre à ce qu'attendent les Égyptiens», a ajouté le porte-parole de Barack Obama, mettant en garde contre une nouvelle flambée de protestation en Égypte si le pouvoir ne cède pas suffisamment de terrain.

Un haut responsable du département d'État, Jake Sullivan, a pour sa part souligné que «les États-Unis n'ont jamais dit que le vice-président Souleimane était la personne qui convenait (pour diriger la transition) ou prononcé de jugement pour dire qui devrait être aux commandes».

«Nous ne nous intéressons pas aux personnes (...) mais aux résultats concrets», a-t-il ajouté lors d'une téléconférence de presse.

Le régime égyptien avait auparavant laissé percer sa mauvaise humeur à l'égard des pressions de Washington.

«Lorsque vous parlez de changements prompts et immédiats à un grand pays comme l'Égypte, avec lequel vous avez toujours maintenu les meilleures relations, vous lui imposez votre volonté», a dénoncé le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, dans un entretien à la chaîne de télévision américaine PBS.

«Nous sommes déjà en train de changer», a lancé M. Gheit, évoquant les discussions engagées avec les contestataires.

M. Gheit a par ailleurs prévenu que «l'armée interviendrait en cas de chaos pour reprendre les choses en main», selon des propos rapportés par l'agence officielle Mena.

Interrogé sur ces déclarations, le porte-parole du département d'État, Philip Crowley, à encouragé l'armée égyptienne à «continuer à faire preuve de la même modération qu'au cours des derniers jours».

Mardi, le vice-président américain Joe Biden a téléphoné à M. Souleimane pour lui réclamer la fin immédiate de l'état d'urgence, en vigueur depuis près de 30 ans.

Sur PBS, M. Gheit s'est dit «vraiment stupéfait» de cette demande: «Au moment où nous parlons, il y a 17 000 prisonniers en liberté dans les rues parce que les prisons ont été détruites. Comment pouvez-vous me demander d'abolir l'état d'urgence alors que je suis en difficulté?»

M. Gheit a confié qu'il avait été «souvent furieux, en colère» face à la réaction américaine lors des premières manifestations au Caire, même si les relations s'étaient depuis apaisées.

Interrogé sur les propos du ministre égyptien, M. Crowley a assuré que Washington ne cherchait pas «à dicter quoi que ce soit». Il s'est défendu que l'appel à lever immédiatement l'état d'urgence relève d'une «ingérence» et souligné que la solution à la crise devrait être trouvée par les Égyptiens eux-mêmes.