La grogne a pris une nouvelle tournure en Jordanie avec des critiques directes et sans précédent contre 3 accusée de «corruption» par de grandes tribus jordaniennes, piliers du régime.

«Nous demandons au roi Abdallah d'ordonner la récupération par le Trésor des terres et de fermes enregistrées au nom de la famille Yassine (famille de la reine Rania) alors qu'elles sont la propriété du peuple jordanien», a indiqué un communiqué signé par 36 personnalités appartenant aux grandes tribus.

Ce texte brise un tabou dans un pays où les critiques visant la famille royale sont passibles de trois ans de prison.

Aucune réaction n'a pu être obtenue mercredi auprès du Palais royal.

Les signataires du document, appartenant à de grandes familles bédouines, traditionnellement loyales à la famille régnante hachémite, estiment que la Jordanie «traverse une crise du pouvoir» et que le pays «sera tôt ou tard la cible d'un soulèvement semblable à la Tunisie et l'Egypte».

Ils exigent «le jugement des corrompus qui ont pillé le pays, quels qu'ils soient et quels que soient leur rang et leur importance».

Le texte accuse aussi la reine d'avoir établi des «centres de pouvoir pour ses propres intérêts, qui vont à l'encontre des intérêts des Jordaniens et constituent un danger pour la nation».

Ces accusations font référence à des informations, non confirmées, selon lesquelles le bureau de la reine, elle-même d'origine Palestinienne, aurait facilité la naturalisation de 78.000 Palestiniens entre 2005 et 2010.

Les Jordaniens de souche craignent que la naturalisation d'un grand nombre de Palestiniens ne facilite un plan israélien qui, selon eux, veut transformer la Jordanie en patrie de substitution pour les Palestiniens. Ces derniers constituent déjà près de la moitié de la population jordanienne (6,3 millions).

Le train de vie de la reine Rania, souvent citée parmi les femmes les plus influentes au monde, fait aussi régulièrement l'objet de critiques.

Le document des tribus dénonce ainsi la soirée de son 40ème anniversaire, célébrée en septembre dans le très connu désert du Wadi Rum (sud), pour un «coût colossal (...) aux dépens du Trésor et des pauvres».

«Les événement en Tunisie et en Égypte ont donné le courage aux Jordaniens de dire publiquement ce qu'ils chuchotent depuis un moment», a déclaré mercredi à l'AFP un analyste politique jordanien.

«La peur, tellement commune chez les peuples arabes en raison de régimes autoritaires, a changé de camp, elle est aujourd'hui dans celui des dirigeants», a-t-il ajouté sous couvert de l'anonymat.

«Certaines tribus font l'objet depuis quelques jours de pressions de la part des autorités, qui les ont sommées de faire attention à ce qu'elles disent à la presse internationale», a déclaré à l'AFP un membre d'une grande tribu, sous couvert de l'anonymat.

«Nous continuons à être loyaux au trône hachémite, mais nous estimons que le roi Abdallah doit mettre fin aux abus de son épouse et de sa famille, sinon le trône sera en danger», a-t-il ajouté.

Le syndicat de la presse jordanienne, qui prend couramment position avec le pouvoir, a dénoncé mercredi dans un communiqué «le manque de professionnalisme de l'AFP, de Reuters et des télévisions satellitaires, qui ont publié des communiqués et des positions politiques exprimées par un nombre restreint de citoyens qui ont dépassé les limites acceptables de la critique et de l'opposition légitime».