Les manifestants ont maintenu la pression lundi au 14e jour de la révolte populaire en Égypte contre le président Hosni Moubarak, jugeant insuffisantes les offres de réformes présentées à l'issue du dialogue engagé dimanche entre pouvoir et opposition.

Plusieurs dizaines de personnes ont bloqué l'accès à un important édifice gouvernemental donnant sur la place Tahrir, devenue un symbole de la contestation au Caire.

Dimanche, les groupes de jeunes à l'origine du mouvement avaient annoncé la formation d'une coalition et assuré qu'ils ne quitteraient pas la place Tahrir tant que le président n'aurait pas démissionné.

Dans la mégalopole de 20 millions d'habitants, la vie reprenait doucement son cours. Le couvre feu est toujours en vigueur mais de nombreux commerces et banques ouvrent à nouveau leurs portes, et la circulation a repris. La Bourse du Caire, fermée depuis le 30 janvier, doit rouvrir le 13 février, selon la direction de l'institution.

Des manifestants ont toutefois empêché lundi matin des fonctionnaires d'accéder à la «Mugama», un imposant édifice gouvernemental à l'architecture d'inspiration soviétique, symbole de l'Etat et de sa lourdeur bureaucratique.

Fermé depuis le 25 janvier, le bâtiment, qui héberge des milliers de fonctionnaires, avait partiellement rouvert dimanche. Mais lundi, des manifestants étaient postés aux entrées, empêchant l'accès aux employés et aux personnes venues effectuer des démarches administratives, selon un journaliste de l'AFP.

Des protestataires ont affirmé avoir arrêté un homme voulant mettre le feu au bâtiment afin d'imputer l'acte aux manifestants et discréditer le soulèvement populaire. L'homme a été remis à l'armée.

Certains des manifestants ont passé une nouvelle nuit sous des bâches autour de chars de l'armée postés devant les accès de la place Tahrir, de crainte de voir les militaires manoeuvrer pour laisser l'accès aux partisans du président Moubarak ou faire partir les manifestants.

Plus à l'est, des inconnus ont tiré lundi matin quatre roquettes sur une caserne de police dans la ville égyptienne de Rafah, située à la frontière de Gaza, faisant un blessé, a indiqué une source sécuritaire.

Il n'était pas possible de savoir dans l'immédiat si cette attaque était liée au mouvement de contestation contre le président au pouvoir depuis près de 30 ans.

Pendant ce temps, M. Moubarak a reçu le vice-président Omar Souleimane, le président du Parlement, Fathi Surur, et le président de la Cour d'appel Sari Siyam, selon l'agence officielle Mena.

Dimanche, les Frères musulmans, première force d'opposition mais bête noire du régime, se sont joints à un dialogue politique national, avec d'autres groupes d'opposition, pour chercher une issue à la crise provoquée par les manifestations incessantes depuis le 25 janvier.

C'était la première fois en un demi-siècle que le pouvoir et les Frères musulmans discutaient publiquement.

Les participants à ce «dialogue national» se sont mis d'accord sur «une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution», a annoncé le porte-parole du gouvernement, Magdi Radi. Mais les Frères musulmans ont aussitôt dénoncé l'insuffisance des réformes proposées.

Un comité va être formé pour proposer des amendements constitutionnels avant la première semaine de mars, a expliqué M. Radi, ajoutant que la levée de l'état d'urgence en vigueur en Égypte depuis 1981 faisait partie des réformes proposées.

Les discussions réunissaient le régime, les Frères musulmans, le parti Wafd (libéral), le Tagammou (gauche), des groupes de jeunes pro-démocratie ayant lancé le mouvement de contestation ainsi que des figures politiques indépendantes et des hommes d'affaires, selon Mena.

L'un des opposants égyptiens les plus en vue, le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, a assuré ne pas avoir été invité, et qualifié ces discussions d'«opaques», sur la chaîne américaine NBC.

Le président américain Barack Obama a réitéré dimanche son souhait de voir engager «immédiatement» une transition «ordonnée» et «significative» qui mène à l'avènement d'un «gouvernement représentatif» en Égypte, une pression relayée par de nombreuses capitales.

Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, a répondu que son pays refusait les «diktats» de l'étranger.

Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme. Des heurts entre policiers et manifestants durant les premiers jours de la contestation, puis entre militants pro et anti-Moubarak le 2 février, ont fait au moins 300 morts, selon un bilan non confirmé de l'ONU, et des milliers de blessés, selon des sources officielles et médicales.