Des centaines de milliers d'Égyptiens sont descendus dans les rues vendredi pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, au 11e jour des protestations marqué par la présence de personnalités politiques sur la place symbole de la contestation au Caire, noire de monde.

Star diplomatique du monde arabe, le chef de la Ligue arabe Amr Moussa, très populaire dans son pays, est allé sur la place Tahrir (Libération) pour aider à «l'apaisement», selon son bureau.

Dans la matinée, il n'avait pas exclu de se présenter à la succession de M. Moubarak, qui a dit ne pas vouloir briguer un nouveau mandat.

La manifestation se déroulait dans le calme au Caire. Les partisans du président, à l'origine de violents affrontements mercredi et jeudi ayant fait huit morts et 915 blessés selon le ministère de la Santé, n'étaient pas visibles aux abords de la place, où l'armée avait déployé des dizaines de véhicules pour créer une zone tampon.

Le mouvement de contestation avait appelé à une mobilisation générale pour ce qu'il a baptisé «le vendredi du départ», et espérait réunir un million de personnes dans le pays, au 11e jour d'une révolte qui aurait fait au moins 300 morts selon un bilan non confirmé cité par l'ONU. Le ministère de la Santé a fait état de 5.000 blessés depuis le 28 janvier.

Sur la place Tahrir, des dizaines de milliers de manifestants ont participé à la prière hebdomadaire.

«Nous sommes nés libres et allons vivre libres. Je vous demande de patienter jusqu'à la victoire», a déclaré l'imam, identifié par les fidèles comme Khaled al-Marakbi, qui a pleuré, comme beaucoup d'autres, pendant la prière aux morts.

Après la prière, les manifestants ont scandé «Irhal, irhal» (Dégage, dégage) à l'adresse de M. Moubarak, qui a affirmé mardi qu'il ne briguerait pas un sixième mandat à la présidentielle de septembre après avoir passé près de 30 ans au pouvoir.

«Cela fait 30 ans que je rêve de voir autant de monde sur cette place et le changement arriver», a déclaré à la foule Mohamed al-Awaa, un islamiste modéré.

Pour rejoindre la place, où des milliers de personnes ont encore passé la nuit malgré le couvre-feu nocturne, les manifestants ont dû franchir un point de contrôle de l'armée puis une demi-douzaine d'autres barrages civils.

Le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, s'est rendu dans la matinée sur la place pour évaluer la situation, la première visite d'un haut responsable du régime depuis le début de la contestation.

«L'homme vous a dit qu'il n'allait pas se représenter», a-t-il lancé à la foule à propos de M. Moubarak.

«Si nous arrêtons (le mouvement), la vengeance va être terrifiante», a réagi un manifestant, Khaled Abdallah.

Nombreux étaient ceux également à avoir répondu à l'appel à la mobilisation en province: ils étaient des dizaines de milliers à Alexandrie (nord), 10.000 à Menoufiya (nord), 20.000 à Mahalla (delta du Nil), 5.000 à Suez (est), des dizaines de milliers à Mansoura (delta du Nil), 5.000 à Assiout (centre) et des dizaines de milliers à Louxor (sud), selon des sources de sécurité.

Dans une interview à la chaîne de télévision américaine ABC, M. Moubarak a dit qu'il «en avait assez d'être président» mais qu'il ne pouvait quitter son poste «de peur que le pays ne sombre dans le chaos», a rapporté la journaliste Christiane Amanpour.

Le guide suprême des Frères musulmans, principale force d'opposition, Mohammed Badie, a déclaré être prêt au dialogue avec le vice-président Omar Souleimane, mais uniquement après le départ de M. Moubarak. Et il s'est dit favorable à une «période transitoire que dirigera le vice-président».

La communauté internationale continuait de faire pression sur le président égyptien.

Les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne ont demandé que la transition démocratique en Égypte commence «maintenant» et menacé à demi-mot de revoir leur aide économique à ce pays si les violations des libertés publiques se poursuivaient, dans une déclaration commune adoptée lors d'un sommet à Bruxelles.

Selon le New York Times, les Etats-Unis discutent avec des responsables égyptiens pour que M. Moubarak cède le pouvoir à un gouvernement de transition dirigé par Omar Souleimane.

De son côté, le guide suprême d'Iran, Ali Khamenei, dont le pays est en froid avec Le Caire en raison de son traité de paix avec Israël, a appelé à un régime islamique en Égypte.

Alors que des dizaines de journalistes étrangers ont été battus, interpellés ou intimidés ces deux derniers jours, la chaîne satellitaire qatarie Al-Jazira a annoncé vendredi que son bureau du Caire avait été saccagé par des inconnus.

Par ailleurs, l'ex-ministre égyptien du Commerce et de l'Industrie Rachid Mohamed Rachid a été interdit de quitter le pays et ses comptes bancaires ont été gelés, selon l'agence de presse officielle Mena.