Confronté à une révolte populaire sans précédent, le régime égyptien a annoncé jeudi vouloir associer les Frères musulmans, ses ennemis de toujours, à un dialogue avec l'opposition, tout en les soupçonnant de chercher à tirer profit des troubles sans précédent.

«Nous les avons contactés, ils ont été invités. Ils hésitent», a déclaré le vice-président Omar Souleimane à la télévision, en référence à la principale force d'opposition du pays, officiellement interdite mais en fait tolérée.

«Je dis qu'ils hésitent, ils ne refusent pas et il est de leur intérêt de (participer au) dialogue, qui est une occasion précieuse pour eux», a-t-il ajouté.

Il a toutefois mentionné la confrérie islamiste comme de possibles responsables d'un «complot» à l'origine des violences. «Il est possible qu'il y ait plusieurs desseins étrangers, ou des Frères musulmans (...) ou de certains partis ou d'hommes d'affaires».

Le pouvoir a, à de multiples reprises, accusé ces derniers jours la confrérie de chercher à tirer profit des manifestations qui se déroulent depuis dix jours à travers le pays, agitant le spectre d'une prise de pouvoir par les islamistes.

Le vice-président, nommé samedi par le président Hosni Moubarak, est connu pour être avoir été un adversaire résolu des islamistes dans ses précédentes fonctions de chef des renseignements.

Il a annoncé lundi avoir été chargé par M. Moubarak d'ouvrir un dialogue immédiat avec l'opposition, sans toutefois préciser si la formation islamiste y était associée.

Le premier ministre Ahmad Chafic a indiqué jeudi la tenue d'une première réunion de ce dialogue entre M. Souleimane et «les partis et les forces nationales pour trouver une issue à la situation actuelle».

Les Frères musulmans n'ont pas immédiatement réagi aux propos de M. Souleimane mais indiqué qu'ils allaient le faire sous peu.

Les partis politiques et mouvements qui soutiennent le mouvement de contestation ont déjà indiqué, avant l'allocution du vice-président, qu'ils ne voulaient pas de ce dialogue tant que M. Moubarak, qui ne veut pas partir avant la fin de son mandat en septembre, resterait en place.

Les Frères musulmans ont apporté au début un soutien timide au mouvement, initié par des associations de jeunes pro-démocratie actives sur internet et des personnalités laïques comme Mohamed ElBaradei, avant de s'impliquer davantage.

De nombreuses personnes interrogées lors des manifestations ont insisté sur le fait qu'elles étaient motivées par les difficultés économiques et le manque de démocratie, pas par des considérations religieuses.

L'offre de dialogue du pouvoir contraste avec sa volonté farouche d'éliminer les Frères musulmans lors des dernières législatives de novembre/décembre.

Un objectif atteint: la confrérie, qui avait emporté un succès retentissant en 2005 en remportant un cinquième des sièges à l'Assemblée, n'en a désormais plus aucun.

Après un premier tour où elle n'avait eu aucun élu, elle s'était retirée du second en dénonçant des fraudes à large échelle et des arrestations massives dans ses rangs.

Le statut de parti politique est refusé à la confrérie au motif que la Constitution égyptienne interdit les partis créés sur une base confessionnelle, dans un pays à majorité musulmane mais qui compte une forte minorité chrétienne (6 à 10% de la population).

Les Frères musulmans disposent aussi d'une forte capacité de mobilisation et d'organisation, des atouts précieux au moment où se multiplient les appels aux manifestations de masse.