Des tirs nourris ont été entendus aux abords de la place Tahrir, dans le centre du Caire, théâtre d'accrochages entre partisans et opposants au président égyptien Hosni Moubarak, ont rapporté des journalistes de l'AFP.  

Les tirs ont commencé vers 14H30 (12H30) sur le pont du 6 Octobre, qui surplombe une partie de la place Abdelmoneim Ryad, elle-même l'extension de la place Tahrir, lieu symbolique de la révolte égyptienne. Les tirs ont duré quelques minutes.

Des affrontements armés dans ce secteur du Caire avaient fait au moins cinq morts la nuit dernière, selon le ministère de la Santé.

Les affrontements entre partisans et opposants au régime, qui font toujours rage dans le centre du Caire, ont fait cinq morts et 836 blessés depuis mercredi, a annoncé jeudi matin le ministère égyptien de la Santé, cité par la télévision d'État.

Place Tahrir (Libération), épicentre de la contestation sans précédent qui secoue l'Égypte depuis le 25 janvier, l'armée a mis en place un cordon entre les deux camps, mais les pro-Moubarak l'ont franchi à la mi-journée, obligeant l'armée à intervenir pour les empêcher d'approcher des anti-Moubarak.

Des partisans du régime ont jeté des cocktail molotov alors que des coups de feu sporadiques étaient entendus.

Quelque 150 jeunes hommes ramassaient des pierres sur un terrain vague pour les amener sur les lieux des affrontements, et des blessés étaient transportés vers les hôpitaux de campagne.

Peu avant midi, les pro-Moubarak avaient bloqué des citoyens venant ravitailler les manifestants. Une trentaine d'anti-Moubarak sont sortis de la place avec des bâtons et leur ont frayé un chemin.

«On fait ce qu'on peut pour soutenir les manifestants, ils sont piégés et les gens viennent de toutes parts pour les aider», a expliqué un jeune médecin.

«Je suis là car mon gouvernement n'est pas bon. Ils arrêtent des gens. Il n'y pas de droits de l'Homme», dit Mohamed Ali Mohamed Ali, 23 ans. «Ca, c'est la mafia de Moubarak et ils tentent de nous terrifier», lance-t-il en désignant des manifestants pro-Moubarak.

Le vice-président égyptien Omar Souleimane a commencé le «dialogue» avec «les partis politiques et les forces nationales», a annoncé la télévision d'État.

Selon la même source, le Premier ministre Ahmad Chafic a précisé que «le dialogue avec l'opposition englobe des représentants des manifestants de la place Tahrir», occupée en permanence depuis vendredi par les opposants au régime.

Mais un porte-parole de la Coalition nationale pour le changement, qui s'est constituée autour de Mohamed ElBaradei et compte parmi ses membres les Frères musulmans et le mouvement Kefaya (Assez), a rejeté tout dialogue avant le départ du président.

«Notre décision est claire: pas de négociations avec le gouvernement avant le départ de Moubarak. Après cela, on est prêts à dialoguer avec Souleimane», a ce porte-parole, Mohammed Aboul Ghar, à l'AFP.

Vendredi une nouvelle journée de manifestations massives pour réclamer le départ immédiat du président est prévue, malgré l'intervention mardi de Hosni Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis 1981, qui s'est engagé à ne pas briguer un sixième mandat en septembre.

M. Souleimane, qui vient d'être nommé vice-président, a été chargé par M. Moubarak d'ouvrir un dialogue immédiat avec l'opposition, alors que les troubles auraient fait au moins 300 morts depuis le 25 janvier selon un bilan non confirmé de l'ONU.

Les violences entre pro et anti Moubarak place Tahrir vont faire l'objet d'une enquête, a annoncé la télévision publique, citant le Premier ministre, après des appels lancés en ce sens par l'Union européenne et les États Unis.

Les chefs de l'exécutif des cinq plus grands pays européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne) ont condamné jeudi «tous ceux qui utilisent ou encouragent la violence» en Égypte.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, dans un appel téléphonique à M. Souleiman, a condamné les «choquants» affrontements sanglants de la veille au Caire.

Les États-Unis ont pressé leurs ressortissants de quitter le pays «immédiatement». Paris a appelé jeudi les Français à rentrer dans «les meilleurs délais», tout en écartant une évacuation systématique.

Près de 600 employés des Nations unies en Égypte et leurs familles vont être évacués jeudi vers l'île voisine de Chypre, où ils seront temporairement installés, a indiqué un porte-parole de l'ONU.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a jugé «inacceptables les attaques contre des manifestants pacifiques» et appelé à une «transition dans l'ordre et le calme».

De nombreux journalistes étrangers couvrant les troubles ont rapporté avoir fait l'objet de violences mercredi au Caire, certains ayant été battus ou arrêtés.

Selon Reporter sans frontières, plusieurs journalistes «ont été directement pris à partie par des partisans du chef de l'État et par des policiers infiltrés».

Soucieux de ne pas subir le sort de leurs pairs tunisien et égyptien, certains dirigeants arabes -au Yémen, en Jordanie, en Syrie ou au Maroc- commencent à promettre des réformes. Au Yémen, 100.000 personnes ont défilé contre le régime jeudi, et autant pour le soutenir, selon les organisateurs de ces manifestations.