Le président égyptien Hosni Moubarak a annoncé mardi qu'il resterait au pouvoir jusqu'à la présidentielle de septembre, malgré une manifestation de plus d'un million de personnes réclamant son départ sans délai au huitième jour de la contestation contre son régime.

De son côté, le président américain Barack Obama a indiqué avoir dit à M. Moubarak qu'une transition politique pacifique et calme devait débuter «maintenant» en Égypte, s'abstenant toutefois de lui demander d'écouter les appels exigeant son départ immédiat.

Dans une intervention solennelle à la Maison-Blanche à l'issue d'une journée d'intenses consultations diplomatiques entre les États-Unis et l'un de leurs principaux alliés du Moyen-Orient, M. Obama a aussi félicité l'armée égyptienne d'avoir permis que des manifestations pacifiques aient lieu et a affirmé aux Égyptiens entendre leurs voix.

Au Caire, l'annonce de M. Moubarak qu'il resterait au pouvoir a été aussitôt rejetée par les milliers de manifestants rassemblés, malgré le couvre-feu, dans le centre-ville, laissant augurer d'une poursuite de l'épreuve de force.

«Le président est très têtu, mais nous sommes plus têtus que lui. Nous ne quitterons pas la place» Tahrir (Libération), épicentre de la mobilisation au Caire, a déclaré un leader de la contestation dans un haut-parleur.

M. Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis 29 ans, s'est engagé dans un discours télévisé à préparer lors des huit mois de mandat qui lui restent une transition pacifique, notamment en modifiant la Constitution afin de faciliter les candidatures pour la présidentielle.

«Je le dis en toute sincérité, et sans tenir compte de la situation actuelle, je ne comptais pas me présenter à un nouveau mandat présidentiel», a déclaré M. Moubarak, qui en est à son cinquième mandat de six ans. «J'ai passé assez de temps à servir l'Égypte et son peuple».

«Ce pays, j'y ai vécu, j'ai fait la guerre pour lui, et l'histoire me jugera», a-t-il ajouté. L'Égypte est «la nation que j'ai défendue et dans laquelle je vais mourir».

«Ma première responsabilité maintenant est de ramener la sécurité et la stabilité à la patrie pour assurer la transition pacifique du pouvoir», a-t-il poursuivi, en accusant «certaines forces politiques d'avoir cherché l'escalade et attisé le feu lors des manifestations».

M. Moubarak a appelé le Parlement à «débattre d'un amendement aux articles 76 et 77 de la Constitution pour changer les conditions de la candidature à la présidentielle et limiter les mandats».

De son côté, l'ambassadrice des États-Unis Margaret Scobey s'est entretenue au téléphone avec Mohamed ElBaradei, la figure la plus en vue de l'opposition, qui a appelé M. Moubarak à partir «au plus tard vendredi».

Dans la journée, plus d'un million d'Égyptiens ont envahi les rues, selon les services de sécurité, la plus importante mobilisation depuis le début le 25 janvier de la contestation qui a fait au moins 300 morts selon un bilan non confirmé de l'ONU, et des milliers de blessés.

Accusant M. Moubarak d'être responsable des maux du pays -pauvreté, chômage, violation des libertés, corruption et verrouillage politique, les manifestants ont défilé sans heurts, dans une ambiance souvent festive, l'armée s'étant engagée à ne pas utiliser la force contre eux.

Au Caire, la place Tahrir a été prise d'assaut par une marée humaine. Les manifestants ont dansé et chanté en conspuant le président. Au moins 500.000 personnes se sont rassemblées dans la capitale, d'après la sécurité. Les défilés se sont étendus à de nombreuses autres villes.

En soirée, la foule s'est dispersée, mais de petits groupes sont restés pour y passer la nuit sous les tentes malgré le couvre-feu en vigueur dans la capitale ainsi qu'à Alexandrie (nord) et Suez (est), de 13H00 à 06H00 GMT.

«On ne partira que lorsque Moubarak partira!» scandait un groupe d'hommes.

Selon des témoins, un groupe de partisans de M. Moubarak, armés de couteaux et de bâtons, ont attaqué à Alexandrie les manifestants en chantant «On t'aime Hosni». Mais l'armée est intervenue et a dispersé les agresseurs.

L'armée a fermé les accès à la capitale et à d'autres villes, et des hélicoptères survolent régulièrement le centre du Caire. Le trafic ferroviaire a été interrompu.

Pour mobiliser les manifestants, les groupes issus de la société civile, soutenus par M. ElBaradei, une partie de l'opposition laïque et les Frères musulmans, force d'opposition la plus influente, ont compté sur le bouche à oreille, Internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé.

Après une semaine de protestations, les contrecoups économiques de la révolte se font sentir. Les touristes, l'une des principales sources de revenus pour l'Égypte, ont renoncé à venir, et les étrangers prennent la fuite.

Washington a ordonné le départ du personnel non essentiel de son ambassade, et de nombreux États continuent de dépêcher des avions pour rapatrier leurs ressortissants. La plupart des voyagistes européens ont annulé les séjours jusqu'à la mi-février.

Banques et Bourse étaient fermées, alors le carburant manquait en de nombreux endroits et les Égyptiens faisaient leurs provisions. Néanmoins plusieurs banques publiques vont alimenter leurs distributeurs automatiques et prendre les mesures nécessaires pour payer les salaires des employés du secteur public mercredi, selon l'agence Mena.

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