Babay et sa famille vivent à l'abri de la crise alimentaire. Dans les collines où ils sont installés, même sans un sou, ils sont certains de pouvoir se débrouiller. Le garde-manger pousse dans la cour.

L'après-midi, la famille s'offre une pause collation. Au menu: goyave d'eau trempée dans un mélange de chili, d'arachides et de sucre rouge. Savoureux. Rien n'a été acheté.

 

Un vieil adage indonésien dit que si on laisse tomber un morceau de bois mort par terre, il poussera un arbre. On peut le croire dans le pays vert de Babay. On cultive beaucoup de riz dans cette partie de Java qui se trouve à environ deux heures de route de la capitale, Jakarta, mais qui n'appartient pas au même monde. On y fait pousser des patates douces, des mangues, des bananes, des jacquiers, de la muscade, des fèves rouges et du tapioca qui sert à faire de la farine. Pour obtenir des revenus, on peut vendre les bananes au marché: 10 kg pour 30 cents.

Les familles élèvent des poules pour les oeufs, des chèvres pour le lait. On pêche dans l'étang. Une fois par année, on met de la viande sur la table, souvent la chèvre, et il y a du poulet au menu tous les six mois. En fait, ce n'est pas la nourriture qui donne des maux de tête à Babay depuis quelque temps, mais plutôt les moyens de la cuisiner.

«Pas de kérosène, pas de lumière», dit l'homme au début de la quarantaine, qui explique qu'avec la hausse phénoménale du prix des combustibles, sa famille est revenue à la chandelle pour éclairer la maison et à la cuisson sur le feu.

L'Indonésie agricole s'est développée à l'opposé du Brésil, par exemple, où l'on a misé sur «l'agribusiness»: des centaines de kilomètres consacrés à la même culture commerciale. En Indonésie, il y a bien sûr, la culture de palmiers pour en faire du biocarburant, un vrai désastre écologique qui a amené la destruction d'une partie des précieuses forêts de Bornéo. Il y a aussi de grandes rizières. Mais le pays est surtout fait de petites fermes très diversifiées biologiquement. Dans le cas du café, 95% des plantations sont de petites fermes familiales.

«Sur le plan de la biodiversité, l'Indonésie est effectivement très riche, confirme l'économiste Budy Resosudarmo. La ferme moyenne fait un demi-hectare, ce qui n'est même pas assez pour nourrir une famille de six enfants. D'un autre point de vue, avoir autant de petits propriétaires devient un casse-tête administratif qui a fait que la qualité de la production n'est souvent pas ce qu'elle devrait être et que le pays n'a pas réussi à devenir une vraie puissance agricole.»

Mais s'il l'avait fait, concède-t-il, il aurait certainement perdu en biodiversité. Et c'est peut-être là, sa plus grande richesse.